viadelaplataprintemps2009.blogspot.com/ Via de la Plata 2009

Via de la Plata 2009

Carnet de route de notre pèlerinage sur la Via de la Plata, de Séville à Santiago, au printemps 2009

Récit de voyage



Ce blogue contient le récit de notre voyage sur la Via de la Plata au printemps 2009. Il a été rédigé de manière à ce que ceux qui envisagent faire ce chemin puissent y trouver certaines informations pratiques.

Les photos peuvent être visionnées à l'adresse suivante : http://picasaweb.google.ca/poirierjean/Compostelle2009ViaDeLaPlata?authkey=Gv1sRgCOXyrNSu5vmHXw&feat=directlink


Via de la Plata printemps 2009



Côté organisationnel :

Départ pour Malaga le 15 avril et retour le 26 mai, de Madrid. Avec Air Transat, pour les meilleurs tarifs. Avons fait du tourisme les 15 et 16 avril à Séville, et de même les 23, 24 et 25 mai, à Madrid. Les couchers à Séville et Madrid ont été réservés à l’avance, par l’intermédiaire du site Hostelworld.com. Nous avions aussi réservé d’avance l’avion de Santiago à Madrid avec la compagnie Ryanair. Il y a d’énormes différences de tarifs entre les compagnies aériennes et avec celle-ci il ne nous en coûtait que 62 € pour les deux. C’était moins cher que le train et beaucoup moins long (une heure de vol).

Le chemin :

o Nous n’avions pas prévu marcher les 1 000 km du camino, par manque de temps. Des étapes ont donc été sautées en autobus. Nous avons été satisfaits d’avoir marché environ 800 km, comme pour le camino Frances et la voie du Puy. Il y a quand même la pelouse à tondre à notre retour! Le plan de marche a été fait à partir d’un guide disponible gratuitement sur internet (Via de la Plata Carnet de route du Pèlerin, Auteur(e)(s): André Bellehigue, Jean-Paul Leclere http://www.aucoeurduchemin.org/plata/Guide.pdf).

o Aucun guide n’est complet en ce qui concerne les hébergements. Même la liste des gîtes obtenue à l’officina de turisma de Monesterio contenait des erreurs quant à ceux qui étaient ouverts ou fermés. Nous avons pu constater que le guide utilisé par les Allemands contenait de meilleurs renseignements que les autres. Les Italiens, eux, avaient un sommaire graphique des étapes avec représentation des dénivellations, comme nous avions obtenu pour les chemins Frances et du Puy.

o La signalisation est excellente tout le long du chemin. Flèches jaunes, bornes milliaires, hito directions, bornes jacquaires, sculptures de Nicanor Carballo (en Galice), rien ne manque. Il est quand même nécessaire d’avoir un guide pratique puisque sur cette distance de 1 000 km il y a toujours des endroits où on se pose des questions, surtout lorsque des travaux routiers ont supprimé le balisage ou encore dans les villes, alors que celui-ci se fait plus discret.

o De façon générale, nous pouvons occuper les gîtes et auberges aussitôt que le ménage en a été fait. Il suffit de se procurer la clé à la mairie ou au bar de l'endroit. C’est un avantage par rapport au chemin Frances où nous devions souvent attendre 13 h ou 14 h avant de pouvoir nous installer et ainsi être libérés de notre sac à dos. Il n’y a qu’aux auberges municipales de Zamora et Salamanca où nous avons dû attendre leur ouverture, à 16 h 30 et 16 h respectivement.

o En discutant avec d’autres marcheurs, nous avons fait la constatation que ce chemin est moins empreint de l’esprit de pèlerinage que ceux que nous avions faits précédemment, soit les chemins Frances et du Puy. Par contre, les hauts lieux des civilisations romaine et arabe sont très courus par les touristes.

Les pèlerins :

o La plupart des pèlerins ici sont dans la cinquantaine ou la soixantaine. Plusieurs ont déjà fait d’autres chemins et ont voyagé ailleurs dans le monde. Ils ne sont pas effrayés par des distances de 35 ou 40 km. Nous avons rencontré un Espagnol qui disait ne faire aucun arrêt tant qu’il n’était pas rendu à sa destination, mangeant même en marchant. Certains d’entre eux sont polyglottes.

o Nous avons rencontré beaucoup de monde sur ce chemin. Les hospitaliers nous ont dit que c’était normal à cette période-ci de l’année puisque question température c’est le meilleur temps pour l’entreprendre. En mars et à la fin mai il y aurait déjà beaucoup moins de monde. Et l’été, seulement des Espagnols.

o Nous n’avons rencontré aucun Québécois ni même Canadien sur le chemin. La majorité des marcheurs étaient Hollandais, Allemands ou Autrichiens.


15 et 16 avril (Séville)

Arrivée à Malaga le 15 avril, sous la pluie. Nous prenons la navette pour nous rendre au terminus d’autobus et de là l’autobus jusqu’à Séville (un peu plus de 2 heures). À Séville, le terminus est à moins d’un kilomètre de notre hôtel (Nuevo Suizo) mais le soleil s’est mis de la partie et ce fut bien agréable de remonter la rue de la Constitution (rue piétonne) parmi tous ces gens et les beaux édifices. L’hôtel est sympa et d’architecture spéciale. C’est le lieu de rendez-vous des jeunes qui voyagent. On y fera une sieste avant de partir découvrir la ville. Des rues sont consacrées aux boutiques de tissus, aux robes de flamenco, aux éventails, etc. Beaucoup de femmes dans ces boutiques. Rues étroites et dédaléennes — les autos doivent parfois s’y prendre 2 ou 3 fois pour faire leur virage. Et ce squeek squeek des pneus sur le pavé qui donne toujours l’impression qu’ils roulent sur les chapeaux de roues alors que ce n’est pas le cas.

Roland nous a rejoints à l’hôtel, tout juste pour que nous puissions aller souper ensemble. Il y avait une certaine fébrilité aux retrouvailles même si nous ne nous étions vus que sporadiquement pendant quatre jours deux années auparavant, sur le chemin de Finistère. Comme si le fait d’avoir partagé la même activité dans cette « autre vie », ne serait-ce que peu de temps, nous rendait membre d’un petit club d’initiés. Bon et copieux souper mais il a fallu comprendre au début le fonctionnement du système primero plato et segundo plato de ce bar, ce qui a été plutôt ardu pour Claire qui posait ses premières questions du voyage en espagnol. Mais c’est si simple une fois que l’on sait !

Nous avons beaucoup marché pour visiter la ville, qui est superbe, en jouant à cache-cache avec les averses. Nous voulions aller voir un spectacle de flamenco à 11 h le soir (qui nous avait été recommandé par la préposée de l’hôtel) mais on a eu assez de difficulté à trouver l’endroit de jour que nous n’avons pas eu le courage de le rechercher de nuit (d’autant plus que nous devions nous lever tôt le lendemain).

Anecdote de pèlerin : À son arrivée à Séville, Roland s’est rendu avec son sac à dos dans un centre d’achats pour acheter une bonbonne de gaz propane. En se relevant après s’être penché pour ramasser un vêtement qu’il avait échappé, le cintre d’un short est resté accroché à une des ganses à l’arrière de son sac. Il s’est promené ainsi dans le magasin, a payé son achat, puis s’est rendu au couvent où il logeait sans s’en rendre compte. Short à sa taille, avec étiquette à 58 €. Il va probablement se retrouver épinglé sur le mur de son salon, à côté de son compostela.

Journée 1

17 avril – de Séville à Guillena (22 km) – Autour de 20C, quelques nuages menaçants, quelques gouttes de pluie.

Nous avions l’intention de sauter la première étape en prenant l’autobus puisque nous avions lu que le gîte à Guillena était plutôt insalubre et qu’il y manquait de lits. Mais au local des Amigos del camino de Santiago, à Séville, on nous a rassurés en nous disant qu’il n’y avait plus de problème, le gîte disposant maintenant de 15 places. Lorsque nous sommes arrivés, tous les lits étaient occupés, même les endroits où nous aurions pu mettre notre matelas de sol. Sur le chemin nous nous étions arrêtés pour visiter le site archéologique d’Italica, à Santiponce, ce qui est assez impressionnant à voir (il y a un immense amphithéâtre avec ses couloirs en dessous, de même que les vestiges des rues et habitations de la première ville romaine du sud de l’Espagne – c’est gratuit pour les membres de la communauté européenne et comme nous étions accompagnés d’un français on ne nous a rien demandé). C’est la raison pour laquelle nous sommes arrivés plus tard que les autres. À la Guardia civil, où nous avons fait apposer le credential, on nous a dirigés vers les deux seuls hôtels de l’endroit. Finalement, nous avons trouvé une chambre à l’hôtel Portuguese. Après une longue discussion de l’employé avec son patron au téléphone, on a accepté de nous louer une chambre pour deux même si nous étions trois. Un matelas a été ajouté. On s’en sort pour 13 euros chacun, probablement parce que le ménage n’y a pas été fait, ce qui est quand même mieux que les 21 euros demandés à l’hôtel Frances. Nous avons appris par la suite que presque personne n’avait réussi à dormir dans le petit gîte municipal et que les jeunes (les rares dans la vingtaine que nous ayons vus du voyage) avaient décampé pour l’étape suivante à 4 heures du matin.

Une auberge pour pèlerins était en construction, à côté du gîte de Guillena. Les travailleurs s’y affairaient malgré la fermeture de plusieurs chantiers en raison de la récession. Il devrait donc y avoir une nette amélioration l’an prochain côté hébergement, ce qui est une nécessité pour éviter le découragement de ceux qui présumeraient que ce gîte est à l’image du chemin.

Journée 2

18 avril – de Guillena à Castilblanco de Los Arroyos (19 km) - Il a fait beau pendant notre marche, mais une fois arrivés la pluie et le froid ont fait que nous n’étions pas très confortables à l’auberge

Ce matin-là, ce fut la course à l’auberge de Castilblanco (ville natale de Cervantes). Levés à 6 h et partis à 7 h, à la noirceur, nous retrouvons à la sortie de la ville d’autres marcheurs qui ont également fait le choix de partir tôt. À Castilblanco, il y aura tout juste assez de places pour tout le monde (30 personnes). Les couvertures n’étant pas fournies, nous avons inséré dans notre sac à viande notre petit matelas de foam et nous sommes glissés dessous.

Dans le registre des inscriptions, nous avons noté qu’il n’y avait eu que 7 inscriptions avant hier. Nous prendrions bien l’autobus dont l’arrêt est au garage, à côté de l’auberge, pour sauter les prochaines étapes et s’éloigner de cette masse de pèlerins, mais demain c’est dimanche et il n’y a pas de transport en commun. Tous ces gens ont choisi ce chemin en pensant être seuls et voilà qu’ils se retrouvent entassés, attendant en ligne pour prendre leur douche, désespérés d’avoir à vivre une course quotidienne à l’auberge.

Le chemin est beaucoup plus beau que ce à quoi on s’attendait. Belles forêts de chênes verts et chênes-lièges, des oliviers, orangers, cactus, fleurs sauvages, donc de belles odeurs. Les palmiers et les citronniers dans les villes ajoutent au dépaysement. Les oranges que nous avons chipées sur le bord du chemin, dans une orangeraie, étaient délicieuses, tout le contraire de celles qui se trouvent dans les orangers sur les rues des villes. À ce propos, en prenant une marche dans Castilblanco, Claire a cueilli une orange dans un arbre sur le bord du trottoir, l’a pelée et a offert le premier morceau à Roland. Nous avons bien ri de sa réaction alors qu’il a refusé tout net d’y goûter en premier, comme s’il avait été désigné pour être le cobaye. De fait, l’acidité de cette orange était beaucoup trop forte pour moi.

Coucher : 3 €/p

Journée 3

19 avril – De Castilblanco de los Arroyos à Almaden de la Plata (30 km) – Belle journée

Nous avons marché 16 km sur le chemin asphalté (peu passant) avant d’entrer dans un beau parc forestier et faire un autre 14 km pour arriver à Almaden. Il y a eu de bonnes ascensions.

Même si c’est dimanche, nous avons trouvé un petit dépanneur ouvert et nous nous sommes fait un souper avec Roland, à la cuisine de l’auberge (belle salle à manger).

Mon gros orteil droit commence à me faire souffrir et il y a une grosse ampoule à la base de l’ongle. Georges, un Belge que nous avons vu pour la première fois au fameux gîte complet de Guillena (et qui avait alors offert à Claire de partager son matelas), se présente comme un spécialiste des pieds et déballe sur son lit sa trousse de secours. Nous avons tous été impressionnés par tout ce qu’elle contenait. Mais en voyant mon pied il n’a su quoi faire et m’a dit que je devrais consulter un médecin. Pour moi il n’en était pas question pour le moment vu que la douleur était dans le domaine de l’acceptable. Il a toutefois insisté pour me donner de larges bandes de pansements. Je m’en servirai donc pour les prochains jours. Le duct tape que nous avions enroulé autour de nos bâtons de marche avant de partir aurait tout aussi bien pu faire l’affaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous l’avions apporté. L’adhésion est super et il suffit de poser une bande de gaze sur la plaie pour ne pas que le tape s’y colle.

Coucher : 5€/p

Journée 4

20 avril – De Almaden de la Plata à El Real de la Jara (17 km) – Beau temps

Nous avions (encore une fois) pensé sauter cette étape puisque nous avions lu qu’on devait marcher les 17 km le long de la route principale, ce qui en faisait la plus ennuyeuse du chemin, mais les gens de la place nous ont informés qu’il n’y avait pas d’autobus pour la prochaine destination. Surprise, à la sortie de la ville le fléchage nous conduit au travers des terres dont les propriétaires avaient fermé l’accès depuis quelques années. Nous prenons donc bien soin de laisser les barrières telles que nous les avons trouvées. En fait, ce sera une des plus belles étapes du chemin. Nous marchons dans les forêts de chênes parmi les cochons noirs et les moutons en liberté, sous un beau ciel bleu et par une température confortable.

Après avoir franchi une montagne, nous arrivons à El Real à 11h. C’est tôt mais nous avions décidé de nous limiter à cette distance pour ne pas aggraver mon problème d’orteil. De toute façon, c’est ici ou Monesterio, ce qui dans ce dernier cas nous aurait fait une distance totale de 38 km dans la même journée. Nous étions peu nombreux à loger à El Real puisque la plupart des pèlerins que nous côtoyons n’en sont pas à leur premier camino et, comme ce sont de bons marcheurs, ils ont choisi la seconde option, comme Roland. Nous nous sommes donné rendez-vous le 22 mai à Santiago, si on ne se revoyait pas d’ici là.

L’auberge municipale est au tout début de la ville mais nous devons nous inscrire et aller chercher la clé à l’Officina de tourisma, presque à l’autre bout. De retour, nous sommes déçus : nous n’avons pas accès à la cuisine et il fait très froid dans le dortoir. Nous avons l’impression de nous trouver dans un réfrigérateur. La porte de l’unique salle de bain ne barre pas et la douche est sans cabine, ce qui implique que le plancher est mouillé à sa grandeur. Enfin, il n’y a pas d’endroit pour étendre son linge à sécher. Nous regretterons de ne pas avoir logé plutôt à l’auberge privée « Molina » qui est bien située, dans le centre, et où, pour 10€/p, nous aurions eu une petite chambre pour deux.

Notre déception ne s’arrêtera pas là : l’église est fermée, il n’est donc pas possible d’y voir le supposé magnifique retable qu’elle renferme, il nous a été impossible de trouver un accès internet malgré l’information que nous avait donnée le préposé à l’information touristique et nos multiples recherches subséquentes, et enfin, le restaurant recommandé pour y déguster le meilleur cochon (« La conchera ») est fermé le lundi soir.

Nous irons tout de même visiter les ruines d’un château sur un promontoire, ce qui donne une belle vue sur la ville, ainsi qu’un musée d’histoire naturelle dont la clé nous a été remise par le propriétaire du bar juste à côté. Ce que je retiens de ce musée, c’est la tête de sanglier empaillée, accrochée au mur. Impressionnant.

Nous nous sommes donc retrouvés avec d’autres pèlerins dans le restaurant d’une pension où le bruit était omniprésent : les enfants qui couraient, les hommes qui jouaient aux dés et la télévision à tue-tête. Après avoir été à la salle de bain, j’ai recommandé à mes compagnons de table de ne pas s’y rendre à défaut de quoi ils risquaient de perdre l’appétit. Le vin nous a été servi dans des verres pas trop propres à partir d’une grosse bouteille de liqueur en plastique, sortie du réfrigérateur. Et le service qui n’en finissait plus. On a dû prendre nos assiettes vides et aller les porter à l’arrière pour que la jeune serveuse comprenne qu’on était prêts a passer au plat suivant. Mais c’est l’Espagne et Claire s’est bien amusée de la situation, surtout à voir la tête des autres pèlerins, ce qui a contribué à la dédramatiser. Dégourdie, elle s’est rendue, après le repas, voir la serveuse pour lui expliquer, en espagnol, que la Française à notre table était partie sans avoir obtenu son dessert et qu’elle désirait lui remettre le petit pot de yogourt auquel elle avait droit. Ce qu’elle a obtenu.

Dans plusieurs des villes d’Espagne traversées jusqu’à maintenant, les maisons sont blanches et alignées pour former un long mur qui s’étend d’un coin de rue à l’autre. Les fenêtres toutes barricadées, elles ont de très belles portes d’entrée qui les particularisent et qui, sans doute, évitent à ceux qui reviennent du bar un peu éméchés, d’entrer chez le voisin par erreur. Parce que, des bars, il y en a une multitude dans chaque ville et chacun d’eux a ses habitués lorsque tout ferme a 14 h. En marchant le long de ces rues, on ne manque pas de jeter un regard dans les portiques des maisons aux portes ouvertes, ce qui permet d’apprécier des aménagements faits avec bon goût où la céramique a toujours une place de choix.

À El Real de la Jara, il y a des nids d’hirondelles au dessus des portes des maisons et les gens accrochent des morceaux de sacs de plastique pour les chasser, ce qui n’est pas très élégant et ne fonctionne pas toujours. Nous avons vu un nid dans lequel avait été incorporé un CD qui avait été suspendu juste au dessous pour les chasser.

Coucher : 8 €/p

Journée 5

21 avril – De El Real de la Jara à Monesterio (21 km) puis autobus jusqu’à Fuente de Cantos – Beau temps

Départ à 7 h 10. Beau chemin avec chênes jusqu’à la N-630. Nous avons ensuite longé cette autoroute mais comme le sentier serpente au travers d’eucalyptus, c’était mieux que ce à quoi on s’attendait.

Peu avant Monesterio nous nous sommes installés sous un chêne pour luncher, sur le bord d’un petit chemin tranquille. Un troupeau de chèvres s’est amené, sorti d’on ne sait où, guidé par trois chiens dociles sous la supervision de leur berger. Le troupeau nous a encerclés avant de poursuivre sa route. Instant magique.

À Monesterio, les locaux de la Croix rouge étaient fermés. Ne désirant pas coucher à l’hôtel, nous nous sommes rendus à l’officina de tourisma pour connaître les horaires d’autobus. Nous y avons été très bien servis, en anglais, ce qui nous a permis de mieux comprendre les renseignements. L’horaire des autobus obtenu nous servira jusqu’à Merida. En attendant l’arrivée de notre autobus prévue pour 14 h 15, nous avons eu le temps de nous rendre à la Casa cultura où il y a internet. Nous avons dû courir pour prendre l’autobus, celui-ci étant arrivé 15 minutes plus tôt que prévu.

Moins d’une demi-heure plus tard, nous voici à Fuente de Cantos, étape suivante, à la station d’autobus. Nous avons traversé la ville à pied pour nous rendre à l’ancien couvent converti en auberge touristique. Endroit est très beau où nous avons obtenu une grande chambre pour deux.

Après la douche et le lavage, nous sommes retournés en ville pour faire l’épicerie du lendemain et trouver un restaurant pour souper. Nous avons profité du fait que des funérailles étaient célébrées pour jeter un coup d’oeil dans l’église et y admirer le retable. Quant au restaurant, nous avons beaucoup marché pour en trouver un, tout en tentant de suivre les indications que nous donnaient les gens. Demander une information en espagnol, ça va, mais comprendre la réponse qu’on nous donne ce n’est pas évident, surtout que les gens parlent vite et que les rues de la ville sont labyrinthiques. Ne le trouvant pas, nous sommes retournés à l’épicerie nous acheter de quoi faire le repas du soir. On soupera donc dans notre chambre avec une bonne bouteille du vin de l’Estremadure.

Cette ville est la ville natale du peintre Zurbaran (né dans les années 1500) qui fait dans le réalisme clair et obscur. Au convento il y a un petit centre d’interprétation qui lui est dédié et que nous avons visité.

Coucher à Monesterio : 10 € chacun (prix pèlerin) + 2 € pour le petit déjeuner

Journée 6

22 avril – de Fuente de Cantos à Zafra (26 km) – superbe journée avec un maximum de 22 Celsius

Départ à 7 h 30, après le petit déjeuner. En cette sixième journée de marche, nous avons retrouvé notre rythme des beaux jours. À 13 h nous sommes déjà rendus à Zafra. En comptant les pauses et le dîner sur la place de la mairie à Puebla de Sancho Perez, nous avons marché à une moyenne de 5 km/heure. C’est peut-être moins que Roland avec son 6 km/heure les mains dans les poches, mais on a quand même doublé tous ceux qui étaient partis avant nous. Toutefois, les derniers kilomètres à marcher le long du chemin de fer puis dans le secteur industriel de Zafra ont été plus pénibles. Nous avions un besoin pressant d’enlever nos bottes pour reposer nos pieds. Le fléchage était plutôt difficile à suivre dans Zafra et lorsque nous avons aperçu l’hôtel Don Quichotte à la Plaza Grande nous n’avons pas hésité. La chambre était plutôt petite (chambre simple dans laquelle ils ajouteront un lit) mais le prix était avantageux (30 €) et, selon les informations que nous avions à ce moment, ce n’était pas plus cher que si nous couchions dans un dortoir, au couvent (en fait, les guides comportaient une erreur, le tarif étant de 10€/personne pour les pèlerins, et non 15€, tarif pour les touristes).

Ne pouvant attendre 20 h 30 pour souper (heure des Espagnols) nous avons décidé de prendre le repas dans l’après-midi, sur la terrasse du resto, près du couvent. Repas copieux avec des mets typiquement espagnols que nous ne retrouvons pas chez nous.

Nous revoyons ici d’autres pèlerins que nous côtoyons depuis quelque temps, dont Georges qui, écoutant son corps, a pris l’autobus pour ne pas se « casser » et qui s’est rendu dès son arrivée chez le massothérapeute. Il a aussi pris rendez-vous en fin d’après-midi avec le pédicure. On s’est bien marré.

Le paysage a changé depuis Monesterio. Nous sommes passés des forêts de chênes aux grands champs de culture légèrement vallonnés, avec les montagnes au loin. Ça ressemble beaucoup à la Meseta. Donc, aucun endroit pour se mettre a l’ombre. Par chance, il ne fait pas trop chaud.

Journée 7

23 avril – de Zafra à Villafranca de Los Barros (21 km), puis autobus jusqu’à Torremegia

Départ à 7 h. D’autres pèlerins sont sur le chemin en même temps que nous. Les journées sont de plus en plus chaudes. Nous retirons des vêtements à 8 h 30 plutôt que 9 h 30. Nous arrivons à Villafranca à 11 h 30, après une belle marche dans les champs de vignes et d’oliviers. Pour cette étape, on nous a donné des informations erronées sur l’hébergement. À l’officina de tourisma de Monesterio on nous avait avertis que l’albergue turistico, 6 km avant la fin de l’étape, était fermée. Comme en plus il fallait faire un petit détour pour s’y rendre, nous avons donc ignoré cet hébergement. Nous avons appris par la suite que c’était ouvert et très bien comme endroit. Rendus en ville, nous apprenons à la mairie puis à la casa Perin qu’il n’y a plus d’hébergement disponible, si ce n’est un hôtel assez dispendieux. On nous a dit aussi, à ces deux endroits, que la pension sur la calle Arias Montano était fermée, ce qui était faux (nous avons rencontré par la suite des personnes qui avaient logé à cet endroit).

Nous avions pris note qu’une Cubaine louait des chambres, chez elle. Va pour la « cubaine ». On traverse donc la ville avec la carte qui nous a été fournie à la mairie. On frappe à la porte. Pas de réponse. Un passant nous dirige à une autre porte où on nous dirige à une autre porte. Finalement, nous finissons par comprendre que le mari de la « cubaine » est décédé il y a 2 jours. Il est donc impossible pour elle de nous recevoir.

Nous commençons à ressentir la fatigue et la chaleur. Si cette ville ne veut pas nous héberger, nous changerons de ville. Nous nous rendons donc à la station d’autobus pour sauter à nouveau une étape et nous rendre à Torremegia. Georges, qui vient de faire les mêmes démarches que nous, embarque à la dernière minute.

À Torremegia nous nous rendons avec Georges à l’albergue turistico Alba Plata, belle et ancienne bâtisse à côté d’une magnifique église. Fermée. Par chance, il y a une autre auberge, bien tenue, et qui fournit même literie et serviettes. Son propriétaire est tenancier d’un bar et c’est là que nous irons souper tout en écoutant à la télévision les meilleurs moments de la corrida, avec les autres clients. Dans l’après-midi est arrivé Roland qui venait de se « taper 50 bornes ». Parti de Los Santos de Maimona, 5 km après Zafra, à la noirceur, il s’est perdu et a dû rebrousser chemin. Nous ne l’avions pas revu depuis le 19 avril.

Plutôt laide, la ville de Torremegia. Longeant la route nationale, il n’y a pas d’arbres et la chaleur est cuisante. Bien sûr, il y a toujours de petits endroits bien aménagés, comme partout ailleurs, mais ce n’est pas le cas dans le coin de notre auberge.

Georges a appris que l’albergue Alba Plata a dû fermer à cause d’une mauvaise gestion. Rénovée par la communauté européenne, tout est encore sur place pour permettre son exploitation. Il a déjà été propriétaire d’un bar-restaurant et se met à rêver de ressusciter l’auberge. Ce sera son manoir. Le voilà qui échafaude des plans et s’en ouvre à tout le monde. Il rencontrera le responsable à la mairie qui lui apprendra que ça tombe sous la juridiction régionale et qu’il doit se rendre à Merida. Merida, c’est notre étape de demain.

Coucher : 10 €/personne

Journée 8

24 avril – de Torremegia à Merida (16 km) – Beau temps. Il a fait 29C dans le milieu de l’après-midi, à Merida

Départ à 6 h 20. Notre guide indique qu’il y a 20 lits à l’auberge de Merida et nous sommes une trentaine de personnes à Torremegia. C’est donc la course à l’auberge. Il fait noir et le fléchage au coin de la rue est contradictoire. Nous décidons, à la recommandation de Georges, de longer la N-630 et nous finirons effectivement par retrouver le camino. Le chemin est sans grand intérêt. Nous entrerons dans Merida par un long pont romain de 792 mètres et contenant 60 arches, accompagnés de Roland, Rose (qui était prof d’espagnol) et Henri (un religieux), au milieu de classes d’enfants qui se rendent dans la plus grande cité romaine du sud-ouest de l’Espagne.

Nous serons les premiers arrivés à l’auberge, bien située près d’un parc, et qui deviendra vite surpeuplée par la suite. Et ça se voit que l’hospitalier n’est pas responsable du ménage. Malgré tout nous dormirons bien, grâce aux bouchons d’oreilles et aussi au bon comportement des pèlerins dont nous n’avons rien à redire jusqu’à maintenant.

Avec Roland, nous marcherons beaucoup dans cette ville, plutôt ordinaire si ce n’était des magnifiques ruines romaines dont tout spécialement les aqueducs et le pont. Malheureusement, il faut payer pour admirer une grande partie de ces trésors et nous n’avons qu’une journée pour visiter. Georges, que nous reverrons par la suite, a bien aimé sa visite du musée. Selon lui, il y avait là la collection la plus élaborée d’artefacts de la période romaine qu’il avait vue à ce jour.

En parlant de Georges, sa rencontre avec les autorités, à Merida, a été décevante. Ils ne veulent plus laisser la gestion de l’albergue de Torremegia à un particulier et sont plutôt à la recherche d’un organisme à but non lucratif qui sera mieux en mesure d’en assurer la permanence. Son enthousiasme n’aura duré que le temps d’un feu de paille. Ils lui ont quand même remis un chapeau à l’enseigne de Merida en guise de prix de consolation, dont la couleur sied bien à sa tenue de style légionnaire.

On a trouvé Internet (gratuit) à la Casa de la Cultura, très bel édifice moderne dans lequel on retrouve une bibliothèque ainsi qu’une belle exposition de sculptures à partir de bois d’oliviers.
Nous souperons dans le parc, après avoir fait l’épicerie, vu qu’il n’y a pas de cuisine à l’auberge et qu'on est si bien dehors à cette heure.

Journée 9

25 avril – de Merida à Aljucen (16 km) – journée froide et venteuse

Le paysage a changé. On ne traverse plus des champs linéaires, mais des vallons parsemés de grosses roches avec des forêts de chênes et de longs murets de pierres séparant les propriétés. À Proserpina nous sommes un peu déroutés. L’affiche à l’entrée de la ville indique « Merida ». On se demande si on n’a pas tourné en rond. Nous poursuivons quand même pour arriver à l’embalse, grand lac où les Romains approvisionnaient leur aqueduc. Le long barrage qu’ils y avaient dressé s’y trouve encore. Nous y retrouvons le fléchage. Ouf, nous sommes toujours sur la bonne voie ! Anne, une Munichoise qui parle un excellent français, toute une marcheuse malgré ses 69 ans, nous dira plus tard qu’elle s’est informée à la mairie pour s’assurer du chemin.

Nous arrivons à Aljucen les premiers, en compagnie de Roland et d’un « jeune » allemand (36 ans), Christian. L’hospitalière, que Christian est allé chercher, vient nous ouvrir l’auberge après avoir fait ses courses au Tabacco. On la trouve bien accueillante et comme elle détient les clés de l’église, elle nous invitera à la visiter. L’auberge est sympa et bien équipée. On pourrait dire que c’est notre préférée jusqu’à maintenant. Elle s’est par la suite remplie d’un groupe d’Espagnols, d’un groupe de Français et d’un couple d’Australiens arrivés vers 18 h. Enfin, arrive sur le tard Georges, qui s’était perdu à la sortie de Merida (il est vrai que nous avons également cherché le fléchage à cet endroit, les travaux routiers l’ayant fait disparaître) et qui a en plus perdu ses cartes d’identité et de crédit. Le temps de faire les téléphones requis, sa bonne humeur est revenue. Et comme le vin à l’épicerie de ce village se vend aux 2 litres, dans des contenants en plastique, ce fut la fête des pèlerins. Ce n’est pas pour rien que des pèlerins appellent ce chemin le camino del vino! Nous avons invité à notre table Christian, au repas préparé par Roland.
Georges et Roland se sont bien amusés de la mine renfrognée de Jenny, l’australienne, belle femme qui semblait ne pas avoir du tout le goût de se retrouver à cet endroit et qui, comme tenue de nuit, portait des culottes bouffantes lui donnant un air de sorcière bien-aimée.

Ç’a été au tour de mon gros orteil gauche de passer au cash. Roland m’a suggéré une technique pour enlever la douleur; il s’agit de chauffer un trombone et de faire 2 trous dans l’ongle de l’orteil (le principe de l’ouverture de la canne de sirop d’érable, je présume). Du jus d’orteil est supposé gicler, ce qui doit atténuer la douleur. J’ai préféré attendre qu’il soit à jeun pour me faire l’opération. Avec raison, puisque le lendemain je n’ai pas ressenti de douleur en marchant. Il n’en est donc plus question pour le moment.

Certaines des étapes que nous avons faites jusqu’à maintenant ne sont pas longues, tout au plus 22 km. Pour une question d’hébergement, attendu que si nous arrivions tard en après-midi nous risquerions de ne pas trouver de place au gîte, mais aussi pour ne pas aggraver mes blessures.

Coucher : 10 €/personne

Journée 10

26 avril – de Aljucen à Alcuescar (20 km) – Ensoleillé, 4C au départ et 15C à l’arrivée

Nous partirons peu avant 7 h, Jenny, qui était couchée sur un lit pliant dans la cuisine, ayant bien averti Roland qu’elle ne voulait pas qu’il la dérange avant 6 h 30.

Nous marcherons sur un beau chemin serpentant dans les prairies, parsemé de chênes et de grosses roches. Roland prendra de l’avance sur nous et c’est accompagné de Georges, qui nous a rejoints à la croix de San Juan, que nous ferons notre entrée dans Alcuescar.

Nous avons logé à la Congrégation des Esclaves de Marie et des Pauvres, dans un grand dortoir. J’ai demandé à l’hospitalier, qui parlait français, s’il était possible pour Claire et moi d’obtenir une chambre pour deux vu qu’il en était question dans les guides, mais il m’a répondu que ces chambres étaient réservées à ceux qui étaient malades ou blessés ou qui avaient marché depuis Merida. Je me soumets de bon gré à cette règle, d’autant plus que nous sommes avec nos copains ici, dans le dortoir. Et voilà qu’il attribue ces chambres à des couples arrivés peu après nous et qui avaient logé à Aljucen, dont les Australiens. Difficile à comprendre. Il faut croire qu’il trouvait une satisfaction personnelle à exercer son pouvoir discrétionnaire de façon arbitraire, comme si cela lui permettait de dominer les gens. Il faut bien avoir une vie personnelle misérable pour se valoriser avec si peu.

Pendant la fermeture du monastère, de 14 h 30 à 16 h 30, nous sommes allés en ville pour trouver un guichet automatique, puis nous sommes montés jusqu’à l’église par des rues étroites et pentues, très particulières et typiques à l’Espagne profonde et pauvre. Vêtements et draps suspendus aux balcons et qui battent au vent, bars animés et bruyants, c’est la vie qui a le dessus sur la misère et la pauvreté extrême des années difficiles du régime Franco. Sur ce point, une photo exposée dans un couloir du monastère est particulièrement frappante. On y voit le prêtre fondateur de la mission avec des enfants d’Alcuescar, sales, nus pieds ou avec des bottines trouées, les vêtements sans boutons et déchirés, une corde autour de la taille pour ceinture.

Ce monastère a été établi par le prêtre avec l’aide d’un généreux don d’une bienfaitrice et vise à venir en aide aux personnes démunies et dont personne ne veut ainsi qu’aux personnes handicapées et déficientes. Nous avons eu droit, après le souper communautaire, à une visite guidée. Alors que le bénévole donnait les renseignements sur l’histoire du bâtiment (en espagnol), un handicapé mental, à ses côtés, massif et l’air menaçant comme un taureau, une cigarette accrochée à chaque oreille, fumant sans arrêt, se mettait de temps en temps à le tambouriner à coups de poing sur l’épaule. Lorsqu’il exagérait, le bénévole ne se servait pas de son autorité pour le calmer mais se mettait à son niveau en adoptant l’attitude d’un enfant, changeant même sa voix, pour lui faire comprendre qu’il lui faisait mal. C’est là qu’on réalise tout le doigté et la patience qui est nécessaire pour traiter ces personnes.

Donativo (coucher et repas)

Journée 11

27 avril – de Alcuescar à Aldea del Cano (16 km) – beau temps, frais

On nous avait dit que les portes du monastère n’ouvraient qu’à 7 h 30. De fait, nous sommes déjà dehors à 7 h 20. Roland est devant nous et ouvre la marche avec Christian. Ils se rendront aujourd’hui à Valdesalor. Quant à nous, nous avons décidé de nous arrêter à Aldea del Cano, à la mi-étape, 11 km avant Valdesalor, les capacités d’hébergement dans ce dernier lieu étant faibles pour le nombre de pèlerins que nous étions la veille. L’auberge d’Aldea del Cano est super : ancienne bâtisse en pierres rénovée, laveuse à linge, frigo, micro-ondes, cuisine complète, super propre. Lorsque nous arrivons le matin, l’employée termine le ménage. Nous irons chercher la clé au bar Las Vegas, tout près, puisqu’il faut barrer la porte lorsque nous sortons. C’est une auberge de 4 lits avec possibilité de 2 matelas au sol, mais nous y serons seuls jusqu’en soirée alors que 2 autres pèlerins se joindront à nous (dont Joanna, belle jeune allemande que nous ne reverrons qu’à la fin, peu avant Santiago).

Cela nous fait bizarre de s’arrêter ainsi alors que nous aurions pu continuer à marcher. Nous nous attendions à ce que plusieurs autres pèlerins aient la même idée que nous, mais ce ne fut pas le cas. Par contre, nous ne le regretterons pas puisque nous apprendrons par la suite qu’il y avait effectivement trop de gens à Valdesalor et que plusieurs ont dû coucher par terre, sur leur propre matelas lorsqu’ils en avaient un, sinon sur des morceaux de cartons obtenus à l’épicerie.

Nous sommes allés dîner au bar-restaurant Las Vegas et y avons très bien mangé pour 8 €, bouteille de vin incluse. Et comme la Casa cultura est située à côté de l’auberge, nous avons eu accès facilement à Internet (gratuit). Nous passerons donc une belle journée à nous la couler douce en nous promenant dans cette belle petite ville et repartirons en neuf le lendemain avec des vêtements tout propres.

Coucher : 3 €/personne, 20 € pour une deuxième nuit

Journée 12

28 avril – De Aldea del Cano à Caceres (23 km) – nuageux, frais

Nous démarrons à 7 h 10. C’est déjà moins froid que la veille. De 11C nous passerons à 16C à notre arrivée à Caceres. Les conditions sont parfaites pour marcher avec un sac à dos. Nous ne verrons pas d’autres pèlerins sur le chemin et c’est agréable de marcher seuls. Ce chapelet de sacs à dos sur le chemin le matin rend les arrêts pipi plutôt embêtants, tout comme c’est agaçant lorsqu’il faut « regratter » ceux qui nous ont dépassés parce que nous avons enlevé ou remis notre veste. Nous évitons donc ce "gossage de pèlerins"!

Nous prendrons un café à mi-chemin, à Valdesalor, ce qui nous donnera le pep nécessaire pour terminer le trajet. Caceres est une grande ville. Nous y entrons à midi mais il est 13 h lorsque nous arrivons à l’auberge Alba Plata. Completo. Nous revenons donc sur nos pas à la Plaza Mayor et nous rendons à l’officina de turismo qui nous renvoie à l’auberge municipale, à la sortie de la ville, où nous aurons à débourser 16 € chacun. Alors que nous sommes plutôt découragés puisque nous aurions aimé loger près du centre et visiter la vieille ville, nous rencontrons, en sortant de l’officina, un pèlerin allemand que nous avions déjà vu à quelques reprises. Il est avec deux copains qui nous indiquent la pension Carretero où les chambres sont louées au tarif de 25 € pour les pèlerins. Chambre avec balcon qui donne vue sur la Plaza Mayor, dans la vieille ville même, on ne pouvait espérer mieux. Il est vrai que nous avions été bénis par un type qui prenait sa marche de santé peu avant Caceres. Alors que nous le dépassions, il s’est mis à nous parler, en espagnol bien sûr, puis finalement, il nous a demandé si nous étions catholiques et, sans qu’on lui ait rien demandé, a esquissé un signe de croix en appelant la bénédiction de Dieu pour que notre voyage se passe bien. Cela s’est fait si vite que nous n’avons pas eu le temps de nous mettre à genoux ;-). Il était temps. Pour revenir sur le thème de l’enquiquinement, le sac à dos devient soudainement très lourd lorsque la durée de l’interruption est indéterminable. Nous écoutons à peine ce qu’on nous dit parce que nous n’avons qu’une idée en tête : poursuivre notre chemin ou déposer le sac. Cette bénédiction était bénie puisqu’elle mettait fin à notre mini calvaire.

Caceres était une place forte romaine, puis est devenu un bastion de défense des Arabes avant d’être repris par les rois catholiques. Il y a donc beaucoup d’histoire ici et ça se voit dans les rues étroites pleines de bâtiments anciens. Les musées sont gratuits ici, contrairement à Merida. Nous y avons particulièrement apprécié l’exposition des oeuvres artistiques représentant le christ et sa croix. Malheureusement, le musée arabe était fermé lorsque nous nous y sommes rendus.

Idéalement, il faudrait au moins deux jours pour visiter cette ville mais le camino nous attend et le pèlerin en nous est toujours un peu mal à l’aise de devoir sauter des étapes en autobus. Par définition le pèlerin doit pérégriner.

Quelques pèlerins ont couché à Casar de Caceres (13 km plus loin), l’étape Valdesalor-Caceres étant trop courte, ne faisant que 12 km. Ils sont venus visiter la ville en autobus et retourneront de la même façon à leur gîte. Nous préférons la façon dont nous avons découpé notre trajet.

Journée 13

29 avril - De Caceres à l’Embalse de Alcantara (32 km) – beau temps, 24C à l’arrivée

Départ un peu avant 7 h. Nous avons modifié notre programme de marche suite à la rencontre avec l’allemand d’hier. Jusqu’à Casar de Caceres le chemin est plutôt ennuyant, surtout qu’il y a 6 km sur la route. Et désagréable puisqu’il y a un trafic incessant, les gens de l’extérieur se rendant à cette heure-ci à leur travail, à Caceres. Après avoir pris un café à Casar de Caceres (je crois que c’est là que j’ai perdu ma montre, accrochée en remettant le sac à dos), nous entreprenons la seconde partie de cette étape. Le paysage est superbe. On se croirait dans le décor d’un film de cowboys. Mais les derniers kilomètres paraissent longs, surtout à compter du moment où on doit longer la N-630 et que l’on entre dans les montagnes. Le plaisir de la marche est progressivement remplacé par la simple satisfaction de constater que notre corps continue à obéir aux commandes qu’on lui donne.

La vue du rio Tajo, là où ce fleuve devient un réservoir (embalse) fait penser à un paysage du Grand Nord québécois, les épinettes noires et les moustiques en moins. En plus, le temps est sec (26-27C en après-midi) et de temps en temps il y a une petite brise fraîche, comme lors des belles journées d’été à Fermont.

Il n’y a pas de village à l’embalse d’Alcantara, situé au milieu de nulle part, donc pas d’endroit pour acheter de quoi se faire un repas. Nous choisirons de loger à l’hôtel Lindamar, tenu par un couple de Hollandais. Le coucher y est gratuit si nous prenons le souper et le petit déjeuner (14 €/p). Nous devons par contre coucher sur des matelas, par terre, mais cela nous importe peu; la pièce est grande et nous ne sommes que quatre (avec l’Allemand qui nous a rendu service à Caceres et Monica, Allemande elle aussi). Nous n’avons pas accès à une douche, nous utiliserons donc la débarbouillette. C’est très bien comme endroit. Près de la route, mais celle-ci n’est pas trop passante et dans la cour arrière il y a des chaises longues, un abri soleil et une belle vue sur l’embalse. Le souper était copieux, mais ceux qui avaient loué une chambre et payé un surplus de 12 € pour celui-ci ont dû être déçus, le seul menu pour les 13 personnes que nous étions, tous des pèlerins, étant plutôt ordinaire (pâtes, sauce aux tomates et courgettes, le genre de repas que le pèlerin se prépare pour lui-même le plus souvent). Autrichiens, Hollandais, Allemands, Slovaque, Suisse, tous ces gens se parlaient en allemand. Claire et moi faisions bande à part.

Nous sommes allés faire un tour à l’albergue Alba Plata, tout près. Il en coûtait 15 € pour le coucher, petit déjeuner compris. La vue est belle mais la bâtisse, toute en béton, paraît froide. Les pèlerins qui y sont allés ont cependant été très satisfaits; les chambres seraient super, l’hospitalier très serviable (il a même fait leur lavage gratuitement) et il y avait possibilité de se ravitailler dans des machines.

Voilà bien des détails mais comme ils ne se retrouvent pas dans les guides et que nous aurions aimé les connaître avant d’être rendus sur place, ils seront peut-être utiles pour d’autres.

Journée 14

30 avril – de l’Embalse de Alcantara à Grimaldo (22 km) – quelques averses (surtout après notre arrivée), plutôt frais

Départ après un excellent petit déjeuner, vers 7 h 30. Claire a pris 2 cafés et décolle comme un élastique relâché dans la montagne. Nous avons calculé que nous étions 26 pèlerins à l’Embalse et comme il n’y a que 12 places au gîte de Grimaldo, c’est, une nouvelle fois, la course à l’auberge. Parce que ça monte beaucoup, dès le départ, et qu’il y a des roches sur le sentier, la douleur réapparaît dans mon orteil gauche. On pense s’arrêter à Canaveral. Puis, comme cela arrive souvent, la douleur a disparu subitement. C’est sur le camino qu’on apprend à ne pas se connaître physiquement. Après des journées à marcher sans aucun problème une douleur se manifeste subitement dans une jambe ou un pied, on ne comprend pas pourquoi ça nous arrive, on se dit que ça ne peut que s’aggraver, on angoisse à l’idée d’être condamné à l’arrêt, puis soudain tout revient à la normale.

Nous continuons donc pour Grimaldo. Le chemin est beau, dans des steppes puis des forêts de pins ou de chênes-lièges, et c’est plein des fleurs blanches emblématiques de l’Estrémadure. Nous devrons mettre l’imper à la hauteur de Canaveral. Après cette ville nous sommes seuls sur le chemin et on se demande où est passé tout le monde.

Arrivés au gîte vers midi, nous constatons qu’une seule personne est arrivée avant nous : c’est un espagnol qui a marché le long de la route pour arriver plus vite. Le groupe d’Allemands qui était devant nous le matin arrive plus tard. Ils se sont perdus en chemin. Hito-directions, bornes milliaires, flèches jaunes, il faut faire presque exprès pour se perdre ici!

Le gîte est petit mais bien. C’est la propriétaire du bar d’à côté qui s’en occupe et elle fait tout pour répondre aux besoins des pèlerins. Elle installera des matelas sur le sol du logement du haut lorsque les 12 places seront occupées. C’est là que coucheront les Français qui ont décidé de « se la jouer peinards » en commençant leur marche à 9 h ce matin. Nous irons dîner à son bar (9 €). C’est le menu typique. Primero plato : paella, Segundo plato : tranche de porc avec un oeuf et des frites, Postre : industriel, dans son contenant (yogourt, flanc ou crème glacée). Et le service est rapide. On a intérêt à se concentrer sur son assiette. Le temps de saluer le voisin derrière soi, on risque d’essuyer la table avec son morceau de pain. Même si le vin était à volonté, nous sommes revenus au gîte plutôt sobres.

On prendra une marche derrière le gîte mais pas trop loin puisqu’il y a de nombreuses averses. Le lavage peine à sécher.

Un de nos deux co chambreurs est un Hollandais de 64 ans, ancien jogger, à l’air réfléchi. Il connaît la méthode du trombone et m’a conseillé, à ce stade-ci, de gratter avec une aiguille l’arrière de l’ongle d’orteil pour enlever le sang. L’ongle devrait se détacher de lui-même dans une semaine. Comme il m’inspire confiance, j’ai suivi son conseil. Le jus d’orteil qui s’en est échappé avait une odeur pestilentielle. Ce liquide a continué à s’écouler pendant les 2 jours suivants. Je l’ai su à cause de l’odeur, lorsque je portais mes sandales.

Coucher : gratuit

Journée 15

1er mai – de Grimaldo à Galisteo (20 km) – belle journée

Après le café au bar de la propriétaire, nous démarrons vers 7 h 15. Encore une journée parfaite pour la marche et de beaux paysages. Je me demande si j’ai bien fait de jouer avec mon orteil puisque je ressens de la douleur.

Nous arrivons à Galisteo vers midi. Cette ville a été construite par les Arabes et est particulière par sa grande muraille, constituée de petites pierres, entourant la vieille ville. On cherche l’auberge à l’intérieur de la muraille, sans succès. Les gens nous donnent des informations contradictoires. C’est fête ici le premier mai et tout est fermé. On pense qu’il en est de même de l’auberge municipale. On se rend donc à l’auberge privée Rusticiana, en dehors de la muraille. Arrivés les premiers, nous avons l’impression que nous serons seuls mais dans l’après-midi l’auberge se remplit et des matelas sont même ajoutés par terre dans la salle à manger.

Nous sommes informés que l’hôtel Asturias, aux ruines de Caparra, est complet pour demain. Comme il n’y a pas grand-chose à voir à Galisteo si ce n’est la muraille (sur laquelle on peut marcher), nous regrettons de ne pas avoir pris l’autobus à Grimaldo pour Plasencia ce matin. Cette ville étant sur la ligne principale, le transport y était possible aujourd’hui (de plus, la station d’autobus était tout près de l’auberge). Mais ici c’est un autre circuit et il n’y aura pas d’autobus jusqu’à lundi.

La meson Rusticiana, accolée à l’auberge et à laquelle nous avions l’intention de nous restaurer, est fermée. Nous avons donc fait notre repas avec les provisions que nous avons pu acheter dans une petite épicerie qui était ouverte. Puisqu’il n’y a pas de cuisine mais seulement une salle à manger à l’auberge, nous avons fait les achats en conséquence, et c’est en compagnie des 3 Français que nous voyons régulièrement depuis plusieurs jours que nous mangeons. En plus d’être de compagnie agréable, c’était bien plaisant de pouvoir parler français. Eux se rendront à pied aux ruines de Capara, puis prendront le taxi pour aller coucher à Plasencia et reprendront l’autobus le lendemain pour retourner à Capara. Ça fait un peu compliqué pour nous.

La propriétaire de la meson Rusticiana, qui parle français, nous a offert, à nous ainsi qu’à un jeune espagnol qui doit retourner à son travail à Séville, de nous conduire demain matin à Plasencia moyennant 20 € pour le voyage. Nous avons accepté. Nous avons fait nos adieux aux Français puisque de Plasencia nous prendrons l’autobus pour Banos de Montemayor, sautant ainsi deux étapes.

Coucher : 6 €

Journée 16

2 mai – de Galisteo à Plasencia (auto) et de Plasencia à Banos de Montemayor (autobus), puis à pied jusqu’à Calzada de Bejar (12.5 km) – belle journée, chaud avec petite brise

L’aubergiste nous laisse au centre de Plasencia vers 9 h. Nous visiterons une des deux cathédrales qui est plutôt petite, de la dimension d’une église. Pour ce que nous aurons visité de Plasencia, ville construite par un des rois Alphonse pour faire obstacle aux Arabes, nous ne trouverons rien qui la distingue plus particulièrement des autres villes. Beau petit centre-ville, dans le style de Zafra et Merida mais autrement... À midi, nous prendrons l’autobus qui nous conduira à Banos de Montemayor, ville balnéaire animée d’où on peut apercevoir les montagnes aux sommets encore enneigés, tout près. Nous suivons le chemin romain sur une certaine distance, puis un petit chemin de terre, très beau. Les paysages, montagneux, nous font penser à ceux du Québec. En bonne forme, nous dépassons peu avant d’arriver un groupe d’Allemands que nous n’avions pas encore vus et dont certains se sont arrêtés au milieu d’une longue et ardue montée pour griller une cigarette. Quand même ...

Nous arrivons au gîte à 16 h et y retrouvons entre autres Roland, Georges et Anne. Roland s’est fait une copine au cours des derniers jours et toute la dynamique de son chemin a changé. Elle est Allemande, parle un peu anglais, très peu français et Roland quant à lui ne parle pas un mot d’anglais ni d’allemand. Alors, il y a beaucoup de signes qui s’échangent. Roland nous a dit qu’il s’était senti mal à l’aise au début de leur relation en raison de sa vie conjugale. Et, comme pour se justifier, il nous a expliqué qu'il était un jumeau, que son frère était mort-né, ce qui lui créait le besoin de tout posséder en double... J’ai pris la chance de lui répondre que je ne croyais pas qu’il était un jumeau étant plutôt convaincu qu’il était un triplet. Il l’a bien pris. Georges, de son côté, est toujours aussi fou et on a pu le voir dans la cour de l’auberge courir après la cuisinière qui se sauvait de lui, comme s’il courait pour attraper une poule.

Cette auberge est censée être un des meilleurs accueils du chemin mais lorsqu’il faut débourser 2 € de plus pour avoir une couverture, ça ne fait pas trop accueil ! Il y a 2 prix ici : 10 € pour un lit dans un dortoir aux lits plus espacés, avec oreiller et couverture et 7 € pour un lit dans l’autre dortoir où il n’y a pas ces accommodements. Nous avons obtenu les derniers lits disponibles et qui se trouvaient dans ce second dortoir. Chanceux toutefois, nous avons le haut de 2 lits à 2 étages, collés ensemble, avec comme voisins du dessous Roland et Gudi. Malgré l’étroitesse du dortoir, la salle commune est grande. Le repas commun, simple mais copieux (8 €) fut bien arrosé, ce qui en a conduit plusieurs à se coucher à 10 h 30, heure inhabituelle pour des pèlerins qui se couchent normalement une heure plus tôt.

Ce petit village, que nous avons visité, est pauvre. Plusieurs maisons ont de vieilles galeries de bois qui semblent sur le point de s’écrouler, mais il y a une âme ici, contrairement à Galisteo. Les gens nous parlent dans la rue, les vaches sont dans le village et surtout, il y a une belle vue sur les montagnes aux sommets enneigés.

Journée 17

3 mai - De Calzada de Bejar à Fuenterroble de Salvatierra (21 km) - belle journée ensoleillée

Nous partons tous à peu près à la même heure. Donc, pèlerins devant et pèlerins derrière. Les paysages sont beaux, encore une fois, et nous aurons la vue des sommets enneigés jusqu’à Fuenterroble. Il semble y avoir eu une gelée cette nuit, c’est donc avec les gants que nous entreprenons la journée. Nous frôlons les 1 000 mètres d’altitude quand même.

L’auberge de Fuenterroble est très bien malgré ses bâtiments et ses objets hétéroclites. Les dortoirs sont dans des bâtiments séparés, les toilettes et douches propres, les couvertures et oreillers fournis et le tout est donativo.

Nous avons visité la ville dans le courant de l’après-midi (dont l’église) en compagnie de Georges. À côté de l’église, nous avons pu examiner une représentation grandeur nature d’un chemin romain, avec coupe transversale démontrant les couches successives des matériaux nécessaires à sa construction. Nous nous imaginions que ces chemins n’étaient constitués que de pierres placées sur le sol mais on réalise maintenant l’étendue du gros oeuvre, surtout pour cette époque.

L’hospitalier, style Hells Angels repenti, queue de cheval et bedaine qui rebondit en dehors du T-shirt, pas souriant et plutôt tranchant dans ses directives, s’est offert pour préparer un souper commun. Les côtes de porc et les chorizos ont été étalés sur la table de cuisine, à côté d’un foyer dans lequel il a fait un feu de bois de chêne. La cuisson s’est faite sur une grille, installée sur la braise. Pendant ce temps, François, un bon vivant toulousien, qui aime bien chanter de sa voix de baryton, est allé faire l’épicerie. Il a acheté deux 5 litres de vin entre autres. C’était délicieux comme souper, en tout cas pour ceux qui n’avaient pas trop dédain ou qui n’ont pas vu sa préparation et dont le manque de propreté par endroits de l’immense salle à manger ne dérangeait pas trop (Georges, quant lui, a préféré aller manger au restaurant). José, un Espagnol que nous avons rencontré pour la première fois à Torremegia (nous étions dans la même chambre), homme polyglotte à la voix calme et imposante, a surveillé la cuisson des côtelettes et en a choisi une qui avait été moins manipulée et n’était pas tombée par terre.

François y est allé d’une demande pour que chaque nationalité présente autour de la table interprète une chanson de son pays. Français, Italiens, Allemands et Irlandais se sont prêtés au jeu. Et comme François est déjà venu au Québec et qu’il s’est constitué un répertoire de nos chansons, il ne s’est pas fait prier pour chanter à notre place. Enfin, Roland et Gudi lui ont fait la surprise de lui remettre un gros bouquet de fleurs à titre de champion ronfleur et pour le remercier de s'être occupé du souper. Très bien comme soirée. Et ce repas ne nous a coûté que 3 € chacun.

Journée 18

4 mai – de Fuenterroble de Salvatierra à San Pedro de Rozados (28.5 km) – Beau temps ensoleillé

Le gîte à San Pedro n’est censé ne contenir que 20 lits et nous sommes beaucoup plus nombreux que ça à Fuenterroble, peut-être 50 personnes. François, toujours serviable, s’est offert, vu qu’il parle espagnol, à faire nos réservations pour l’hôtel.

Accompagnés de Georges, nous avons franchi une montagne au haut de laquelle se trouve un parc d’éoliennes ainsi que la croix de Santiago qui marque le mi-chemin du parcours. Les arbres n’ont presque pas de feuilles à cet endroit, ce qui donne une idée de l’altitude. Du sentier nous avions une belle vue sur la grande plaine, en contrebas.

Lorsque nous arrivons à San Pedro, nous passons en premier lieu par l’auberge où nous retrouvons Roland et Gudi (qui sont partis vers 4 h 30 du matin, sans nous réveiller) ainsi que Christian. Ils sont seuls, nous aurions donc pu y loger si nous avions voulu. Mais nous avons donné notre parole pour l’hôtel et avons l'intention de la tenir. Nous ne le regretterons pas. L’hôtel est récent et pour 30 €, c’est la plus belle chambre que nous ayons eue de ce trajet. De plus, la propriétaire (qui est propriétaire également de l’auberge) fait notre lavage gratuitement.

Nous y retrouvons Anne, Georges ainsi que d’autres personnes que nous côtoyons de jour en jour.

Notre chambre donnait sur la cour intérieure où des tables étaient installées et lorsque Claire en a ouvert la porte-fenêtre, Georges, qui prenait un verre dans l’atrium, s’est levé et lui a chanté la sérénade à pleins poumons, la main sur le coeur. L’aubergiste, qui assistait à la scène du bar, était pliée en deux de rire.

Nous avons bien soupé à l’hôtel pour 9 €.

Journée 19

5 mai – De San Pedro de Rozados à Salamanca (24 km) – Beau temps (27C)

Nous apercevons la ville de Salamanque au moins 10 km avant d’y arriver. On a l’impression qu’on y arrivera jamais. C’est une grande ville mais il est surprenant de voir le peu de circulation à l’entrée. Même leur rond-point « l’Acadie » est désert.

Nous arrivons à l’albergue à 12 h 30, tout juste dans le bon temps puisque qu’elle ouvre de 12 h à 13 h pour que les gens puissent y déposer leurs sacs à dos. Ensuite, c’est fermé jusqu’à 16 h alors que les 20 premières personnes qui se présenteront auront un lit. Nous sommes accueillis par l’hospitalier qui nous offre des fraises. Ça commence bien. L’auberge (donativo) est bien située, tout juste à côté de la cathédrale. En fait, il y a deux cathédrales : l’ancienne et la nouvelle. On peut accéder à la nouvelle gratuitement mais pour l’ancienne on doit débourser 3.75 €. On ne visitera pas l’ancienne par manque de temps mais aussi parce que ça ne se bouscule pas à la porte, contrairement à Burgos et Leon, ce qui n’est pas bon signe.

L’hospitalier nous permet d’occuper une minuscule chambre dans laquelle se trouve un seul lit à deux étages, chambre réservée pour les personnes malades. On échappe donc au dortoir.

Il y a beaucoup de choses à voir dans cette ville animée et nous prendrons la décision d’y rester une deuxième journée. Salamanque est la première ville où il y a eu une université en Espagne (vers l’an 1 200) et les facultés se trouvent encore dans les bâtiments historiques éparpillés dans la partie ancienne. Georges, par contre, n’aime pas cette ville parce qu’il y a trop de jeunes étudiantes qu’il ne peut s’empêcher de reluquer, et comme ne veut pas passer pour un vieux cochon de 58 ans il ne restera pas une seconde journée. C’est ainsi que nous le perdrons de vue définitivement.

Spécial ce Georges dans sa tenue de légionnaire, gants blancs et serviette blanche autour du cou qu’il suce en marchant. À son retour de Santiago, il a l’intention d’inviter 10 des ses amis dans un chic restaurant de Bruxelles. Il s’est dit que si la vie n’a pas voulu qu’il soit un prince, il compensera en se payant dans sa vie des moments de prince, quitte à se serrer la ceinture pendant des mois. On ne s’est pas ennuyé avec lui.

Journée 20

6 mai - Salamanque – beau temps (28C)

À midi, nous sommes déménagés de l’auberge municipale pour pèlerins (nous ne pouvions y demeurer plus d’une nuit) à l’hôtel Las Vegas, également bien situé dans la vieille ville. Petite chambre pour 30 € mais c’est propre et ça fait bien notre affaire. Claire s’est trouvé un roman en anglais, dans le corridor. Ça va l’occuper pendant les longs après-midi.

Nous revoyons Roland et Gudi qui reprennent l’autobus cet après-midi pour la prochaine étape. Nous ne les reverrons qu’à Santiago le 21 mai. Christian quant à lui, abandonne ici. Il en a assez de la course à l’auberge et il est le seul jeune de son âge. Sa petite amie viendra le rejoindre, ils loueront une auto puis feront du tourisme avant de retourner en Allemagne. Il est vrai que ceux qui prennent leur temps pour marcher les étapes sont l’exception.

Journée 21

7 mai – de Salamanque à El Cubo de la Tierra del Vino (en autobus), puis de El Cubo à Villanueva de Campean (13 km) à pied – Beau devenant nuageux et venteux en après-midi

Les entrées et les sorties des grandes villes sont les parties du chemin parmi les moins intéressantes. Interminables, elles nous font passer par les secteurs industriels et pauvres. On doit composer avec la circulation, les travaux routiers, l’absence de végétation et la chaleur. Pour nous replacer dans notre plan de marche après cette journée supplémentaire et non planifiée à Salamanque, nous avons décidé de nous éviter la sortie de la ville et avons pris l’autobus à 9 h pour nous rendre directement à El Cubo. Nous sautons ainsi une étape de 35.5 km. En cours de route, nous constatons que nous avons doublement bien fait; le sentier suit sur une bonne distance la N-630, et c’est plat et ennuyeux comme paysage. D’autres pèlerins ont eu la même idée que nous.

De El Cubo nous marcherons seulement 13 km pour arriver au prochain gîte. Nous y arriverons en même temps que la tenancière du bar ouvre la porte à une Allemande. Nous ne l’avions pas vue auparavant, elle s’appelle Christine, parle très bien français, paraît jeune (elle a tout de même des enfants dans la trentaine) et a une petite voix d’enfant qui la rend sympathique. Comme un petit vent de fraîcheur, nous aurons la chance de la côtoyer pendant quelques jours. D’autres arriveront par la suite et le gîte sera presque plein. Encore une fois, tout ce monde se parle en allemand, nous ne pouvons donc participer aux conversations.

Nous nous promènerons dans ce village pauvre dont plusieurs maisons sont construites en adobe et où il semble y avoir plus de tracteurs des années poussières que d’autos. Les ruines d'un vieil ermitage, à côté du village, sont impressionnantes.

En jetant un coup d’oeil à une maison en construction (ciment et briques, comme toutes les autres constructions), face à l’auberge, le propriétaire dans la jeune quarantaine, est venu me voir et a insisté pour me la faire visiter dans les moindres recoins. Il en était tout fier, c’est lui-même qui la construit depuis deux ans et il croit pouvoir la terminer d’ici quelques mois. Tout cela expliqué en espagnol. Même si je ne comprends pas tout, je suis content d’avoir suivi ces quelques cours de la méthode Pimsleur, avant de partir.

Il y a une cuisine dans ce gîte qui est très bien. Nous en profiterons pour diminuer le poids de notre sac à dos en y faisant notre souper.

Coucher : 6€

Jour 22

8 mai - De Villanueva de Campean à Zamora (19 km) – soleil et nuages, 27C en après-midi

Super ces bouchons d’oreilles ! En ouvrant les yeux ce matin j’ai pu distinguer dans la pénombre que presque tous les lits étaient désertés, les couvertures de laine bien pliées au pied des matelas. Dire que je n’ai même pas entendu mon réveil sonner. Je me suis tourné vers le lit de Claire: vide aussi. Une ombre à côté du lit : mais c’est Claire, debout, tout habillée, le chapeau sur la tête, prête à partir, l’air marabout. Oups et reoups ! C’est dur quand le sentiment de culpabilité nous assaille à notre réveil. Une banane en vitesse et nous voilà sur le chemin à 7 h 50. Mais pourquoi se presser ? On nous a dit que l’auberge municipale à Zamora n’ouvrait qu’à 16 h 30. Bon, Claire veut partir tôt par peur du soleil et elle a peut-être raison puisque la journée s’annonce chaude, mais la distance est courte aujourd’hui et à notre départ le temps est nuageux et très confortable.

Marche de 19 km dans la Meseta, avec des champs de culture à perte de vue. C’est beau et paisible la Meseta. Comme sur les autres chemins secondaires de l’Espagne, il n’y a presque pas d’autos et encore moins de quads ou de pick up. Les habitations sont regroupées dans les villes et on dirait que les gens n’en sortent pas, sinon par les autoroutes. Très agréable.

Chanceux, à notre arrivée vers 11 h 30, l’église à côté de l’auberge était ouverte et la préposée qui y était chargée de l’accueil nous a offert d’y laisser nos sacs à dos (effort louable pour nous parler en français mais on comprenait mieux son espagnol). Nous avons pu les récupérer à 17 h, lors de la réouverture de l’église. Ce n’est pas tout le monde qui a pu profiter de cet avantage. Ceux arrivés après 13 h qui voulaient loger à cette auberge ont dû visiter la ville avec leur sac à dos.

Zamora est une belle et grande ville. Peut-être pas la magnificence de Salamanque, mais il y a des rues superbes. Dans les rues piétonnières de son centre, c’est parmi les plus belles villes que nous ayons vues. Nous avons eu un souper copieux au resto El Jardin, qui offre aussi la pension pour pèlerins. Une Française nous a accostés en ville pour nous offrir la pension à son hôtel, à la Plaza Mayor (12 euros chacun). Il y a donc moyen de loger pour pas cher ici et, comme quelques belles et grandes villes sont situées pas très loin les unes des autres, nous avons pensé qu’éventuellement nous pourrions revenir en touristes pour faire le circuit Salamanque-Zamora-Madrid.

Beaucoup d’églises à Zamora. Chacune avec ses heures d’ouverture et son préposé à l’accueil. Et des sculptures représentant le Christ ensanglanté, sur son lit de mort, à l’image du toréador agonisant après s’être fait empaler, comme on peut le voir dans les films et aux nouvelles télévisées.

Coucher : 4€

Jour 23

9 mai - De Zamora à Montamarta (20 km) – Beau temps

Jusqu’à Roales del Pan le paysage est affreux mais après c’est la belle Meseta avec le ciel bleu, le vert turquoise des champs en culture et le brun des champs labourés. Il fait bon marcher avec la musique du baladeur dans les oreilles. Un peu avant Roales del Pan, en arrivant à la route, nous avons cherché la direction à prendre, sorti le GPS même, mais notre intuition était bonne : prendre à gauche. Lorsqu’on se demande quelle direction prendre le matin, rien de plus simple : garder le soleil à notre droite puisqu’on se dirige directement vers le nord.

Nous sommes les premiers arrivés à l’auberge de Montamarta, qui se remplira par la suite. Nous avons choisi de faire arrêt ici parce que demain nous projetons prendre un raccourci pour nous rendre directement à Tabara en marchant sur la N-631.

L’épicerie ferme à midi ici le samedi et Claire s’y pointe à 12 h 05. On lui ouvrira quand même mais elle devra faire vite pour les achats.

L’auberge, qui est bien, est tout près de l’autoroute, en plus d’être isolée. Pas très loin du village, mais celui-ci est sans intérêt. C’est difficile d’y trouver un coin d’ombre lorsque le soleil plombe bien qu’il y ait un petit parc avec des arbres pas trop loin. Il n’y a rien d’autre à faire l’après-midi qu’une longue sieste.

Le restaurant auquel nous irons souper dans le village ne paie pas de mine de l’extérieur mais nous y prendrons un bon repas en compagnie des autres pèlerins.

C’est ici que l’ongle de mon orteil gauche s’est détaché. Notre hollandais avait donc raison en disant qu’il s’enlèverait de lui-même une semaine plus tard.

Coucher : 4 €

Jour 24

10 mai – De Montamarta à Tabara (27 km) – partiellement nuageux

Nous ne sommes pas les seuls à marcher sur la N-631; d’autres pèlerins ont eu la même idée. De bonne heure le matin, c’est plutôt tranquille comme circulation mais au fur et à mesure que s’écoule l’avant-midi, les espagnols, qui se sont remis de leur nuit précédente, prennent la route. Et ce besoin que quelques-uns ont de klaxonner pour nous saluer, nous faisant sursauter chaque fois, ne nous fait qu’espérer arriver le plus vite possible.

22 km à marcher sur une route asphaltée, c’est pénible. Par chance qu’il ne faisait pas trop chaud sans quoi ç’aurait pu être au dessus de nos capacités. Super le MP3. Sûrement l’invention d’un pèlerin. Parce que c’est léger, bien sûr, mais aussi parce que ça permet de se concentrer sur autre chose que l’asphalte et de se changer les idées quand on commence à penser que quelqu’un a mis une roche dans le fond de notre sac à dos pour nous jouer un tour ...

À l’albergue de Tabara nous aurons la chance d’avoir les deux derniers lits malgré que nous arrivons à 13 h 30. Nous y retrouvons Anne qui est arrivée la veille, immobilisée par une déchirure à la plante d’un pied. Elle fait tandem avec Giuseppe, un Italien qui lui souffre d’un « oeil de perdrix », une protubérance entre les orteils. À vouloir faire des étapes trop longues, entre 35 et 40 km par jour, on finit par s’en repentir. Ils attendent donc tous deux que la pharmacie ouvre demain, pour obtenir les conseils du pharmacien. Ils nous apprennent qu’ils se sont fait engueuler par un vieux couple hollandais qui jugeait inacceptable qu’ils puissent passer deux nuits à la même auberge. Claire et moi avons même été suspectés par ce couple d’avoir pris l’autobus, et j’ai dû montrer sur la carte le raccourci que nous avions pris par la N-631. Pourtant, ces gens sont bien mal placés pour faire des remontrances, prenant eux-mêmes l’autobus tous les jours pour se faire déposer quelques kilomètres avant l’auberge, la dame ayant beaucoup de difficulté à marcher. Manège que nous avons pu observer à plusieurs reprises. Plutôt désagréable ce couple.

L’auberge, un peu loin du centre de cette petite ville moche (mais dont les habitants sont bien obligeants), est plutôt mal entretenue. Les toilettes, dont les portes ne barrent pas, sentaient mauvais à l’arrivée, il n’y a pas de couvertures (ou très peu), pas de papier cul ni de savon à vaisselle. Par contre, c’est donativo. Christine et son amie Martine, qui sont arrivées alors que le gîte était complet, ont été bien satisfaites de la chambre qu’elles ont obtenue dans la pension de la propriétaire du bar en négociant pour 10 € chacune.

L’épicerie étant fermée le dimanche, nous souperons au restaurant, tout près de leur Plaza Mayor, tout en regardant la corrida et le foot à la télévision.

Jour 25

11 mai – de Tabara à Calzadilla de Tera (34 km) – ciel nuageux, averses et vent en après-midi

À l’exception de Anne et Giuseppe, tout le monde se lève tôt et on est sur la route à 7 h. Nous sommes maintenant sur le camino Sanabres. À la sortie de Tabara, il y a une montée au haut de laquelle, en se retournant, on peut voir les grandes éoliennes nous dire au revoir de leurs longs bras. On dirait bien que c’est la fin de la Meseta. À un certain moment, sur le sentier, nous est offert le choix de passer par Bercianos ou Villanueva de las Peras. Nous choisirons la seconde option. Nous arrêterons y prendre un café dans un bar. Bien que sans apparence extérieure, les habitations de ce village tenant de la tiers-mondisation, nous avons été étonnés par la beauté et le chic de son intérieur agrémenté de trophées de chasse. Ce café nous donnera le boost pour nous rendre à Calzadilla. En chemin, nous ferons un arrêt à Santa Croya de Tera, où il y a un beau petit centre-ville, pour pique-niquer et faire un peu d’épicerie. Tant qu’à y être, nous jetterons un coup d’oeil à l’auberge (auberge annoncée à 8 €, mais où, rendu sur place, il est demandé 10 €) où sont déjà installés 4 Allemands dans un dortoir plutôt exigu et où ça ne sent pas très bon. Ce sont donc eux qui avaient mis cette odeur dans l’auberge de Tabara! Il y en a qui commencent à se négliger sur le chemin!

Nous avions pensé nous arrêter à Santa Marta de Tera mais lorsque nous y sommes arrivés le temps était nuageux et frais. Qu’aurions-nous fait de notre après-midi? En bonne forme et malgré les averses, nous poursuivons donc jusqu’à Calzadilla pour notre étape record de 34 km. Nous aurions même pu poursuivre plus loin. Claire est satisfaite; elle commençait à trouver qu’on faisait moumounes avec nos 20 km par jour. Nous avons cherché une bonne demi-heure le gîte pour pèlerins. Avec le sac à dos, après toute cette distance, c’était plutôt harassant. Il n’y avait personne à qui s’informer. La ville semblait déserte. Découragés, c’est finalement à l’extrémité de la ville (en se dirigeant vers la gauche en y entrant), à côté d’un petit parc pour enfants, au-dessus du local des retraités, que nous l’avons trouvé. Sur les 6 lits, 4 sont déjà occupés par des Hollandais, dont le couple désagréable, que l’on soupçonne d’avoir fait une bonne partie du trajet en autobus. Le type nous avait pourtant dit la veille qu’ils avaient l’intention de loger à Santa Marta aujourd’hui. Ils ne semblent pas heureux de notre arrivée, sans doute parce qu’ils auraient préféré avoir l’auberge à eux seuls. C’est leur problème. La pièce est grande, nous avons de la place pour y faire sécher notre linge, les lits spacieux, les douches et toilettes propres. Et c’est donativo. Nous pouvons enfin relaxer.

La propriétaire de l’épicerie, qui s’efforce de nous parler un peu en français, nous offre gratuitement les feuilles de laitue que nous lui demandions. À la panaderia, idem pour un petit mantecada. Très gentils ces gens.

Nous nous ferons un bon souper dans le haut de la cage d’escalier, après y avoir installé une table et des chaises, n’ayant pas le goût d’arpenter à nouveau cette ville pour y chercher le bar. (Le seul que nous ayons vu, derrière la tienda de alimentation, fait l’objet de mises en garde affichées au gîte par des pèlerins s’y étant fait arnaquer. Les Hollandais, quant à eux, iront au bar Blanco dont la publicité, affichée à de nombreux endroits, indique le menu del dia à 8 €, alors qu’il est facturé 10 €).

N’ayant eu la visite d’aucun préposé à l’accueil du gîte, notre credential souffrira de l’absence de l’estampe de l’endroit.

Jour 26

12 mai – de Calzadilla de Tera à Mombuey (26 km) – nuageux et frais

Nous sommes seuls sur ce chemin plutôt ordinaire, à l’exception de la région du barrage, juste avant Villar de Farfon, où il y a un beau petit chemin asphalté serpentant le long du grand lac qui y est formé, et à la sortie de ce même village où il y a une belle campagne. Le fléchage est rare dans la longue montée vers le barrage. C’est toujours inquiétant lorsque nous ne voyons pas de balisage sur une longue distance! Mais en nous fiant à notre intuition et à notre guide, nous sommes restés sur le bon chemin (il faut tourner à droite au haut de la côte). Ça vaut un bec!

Nous nous arrêtons à un bar à Rionegro del Puente, 16 km plus loin, et nous tombons face à face avec le vieux couple hollandais, tout frais et dispos, terminant leur café. Nous sommes pourtant partis avant eux de l’auberge ce matin. Le type s’adresse à Claire avec un sourire gêné et lui dit « you were sleeping ? ». Nous avons toujours en tête qu’ils ont sermonné Anne et Giuseppe pour avoir couché deux nuits au même endroit, eux qui se faisaient un devoir de ne jamais prendre l’autobus. Nous prenons la résolution de ne plus penser à ce vieux couple désagréable qui commence à nous obséder.

Nous poursuivons jusqu’à Mombuey. Claire veut s’arrêter ici parce qu’il y a les services. Le gîte, donativo, est dans une petite maison de pierres, bien située, mais c’est plutôt sombre à l’intérieur. Nous y serons 6 pour les 11 lits qu’elle contient. Dans sa vue d’ensemble, la vieille partie de cette ville paraît être à l’abandon, donnant même l’impression qu’elle a fait l’objet d’un bombardement.

Nous avons bien aimé l’originalité de l’église que nous avons pu visiter.

Le repas au restaurant est à 9 h. Nous achèterons donc de quoi se faire un sandwich, surtout qu’il y a une épicerie spécialisée dans la vente de saucissons au coin de la rue.

Jour 27

13 mai – de Mombuey à Puebla de Sanabria (32 km) – temps frais, 5C le matin

Il a fallu nous extirper de nos grosses couvertures chaudes pour affronter, bien vêtus, le temps froid extérieur. Il y a bien eu un réchauffement en cours de journée mais le mercure a tout juste touché 17C. Nous ne nous plaignons pas, c’est parfait pour la marche.

En cours de route, nous retrouvons nos deux Australiens, que nous n’avions pas revus depuis le 20 avril (El Real).

Le chemin est accidenté et traverse plusieurs villages, ce qui le rend plus intéressant. On perd le fléchage à l’entrée de Sanabria mais on réussira tout de même, sans que cela soit un véritable détour, à se rendre à la mairie, au haut d’une pente abrupte. Nous y apprenons que le refuge pour pèlerins, au rez-de-chaussée de la mairie, n’existe plus et que le couvent est fermé. Un samaritain nous indique, avec quelques mots de français, comment se rendre à une auberge privée, explications qu’il nous donne du haut d’un belvédère donnant sur la ville. Nous rebroussons donc chemin pour nous y rendre.

Cette auberge nous plaît bien (environ 20 lits) mais c’est à l’étroit lorsque l’hébergement est à pleine capacité. La cuisine est bien équipée, mais petite. Cela importe peu puisque la plupart des gens soupent au restaurant et que les autres préparent leur repas à l’heure des Espagnols. À 18 h, la cuisine étant libre, nous en avons profité, surtout que l’épicerie est à côté. Nous pensions être seuls dans notre chambre de deux lits de deux étages mais un couple de Français, arrivé par bus, a été placé dans la même chambre que nous. Ils ont dû prendre le bus à Mombuey, un groupe de touristes hollandais y ayant pris d’assaut le refuge pour pèlerins. Plus aucune place n’était disponible, même à l’hôtel. Nous avions déjà rencontré ce couple à Galisteo lorsque, arrivé vers 19 h, il s’était buté là aussi à des auberges complètes. Un aubergiste les avait alors logés dans sa maison privée.

Nous retrouvons ici Giuseppe, notre italien affecté de l’oeil de perdrix, qui nous a raconté qu’il avait logé la veille à Cernadilla, petit gîte de 4 lits, après 20 km de marche pénible. Le vieux couple hollandais s’est aussi rendu à ce gîte et lorsqu’ils l’ont aperçu, l’homme s’est écrié en le pointant du doigt « you take the bus ». « Vraiment désagréable ce type » nous a-t-il dit.

Nous nous promènerons en soirée dans cette ville, remontant dans la vieille partie qui, malgré les travaux de voirie, est accueillante avec toutes ses boutiques et ses bars. Il y a plusieurs jours que nous n’avions pas vu une belle ville. Depuis Zamora, en fait.

Coucher : 10 €/personne

Jour 28

14 mai - De Puebla de Sanabria à Lubian (30 km) – nuageux, averses, froid

Cette journée n’a pas été facile. Au départ, les indications pour trouver le chemin à partir de l’auberge ne sont pas évidentes. Par chance, nous étions avec nos deux Australiens et, à 4, nous avons trouvé le sentier qui longe la N-525 sans perdre de temps. Après un café à Requejo, nous avons été en mode ascension le reste de la matinée. C’est sur la route que se fera une bonne partie de la journée. Par chance, elle est quasi désertée, l’autoroute qui suit en parallèle drainant le trafic. Nous avons affronté la plus grande difficulté dans le haut du col que nous avons traversé. Un viaduc à donner le vertige, puis un tunnel long et froid, au sortir duquel nous avons été accueillis par le vent et la pluie. Il a fallu faire un arrêt d’urgence pour ajouter des vêtements. Ayant perdu ma petite station météo-réveil matin à la sortie de Puebla de Sanabria, nous n’avons plus accès à la température et à l’altitude, informations que nous aurions bien aimé connaître à ce moment. Nous sommes maintenant dans les montagnes que nous voyions de loin depuis un certain temps, avec des plaques de neige à leur sommet.

Nous sommes descendus par un petit sentier pittoresque, à flanc de montagne, qui, on s’en doute, a servi jusqu’à nos temps modernes pour faire le lien entre les villages, à dos d’âne. Le ruisseau emprunte par endroits le sentier et il faut sauter d’une roche à l’autre.

À notre arrivée à Lubian, tout juste avant l’auberge municipale, nous avons suivi un troupeau de moutons qui rentrait au bercail, tout en marchant avec la bergère et ses 5 chiens.

Il ne restait que 4 places à l’auberge à notre arrivée. Un groupe de personnes, que nous n’avions jamais vues auparavant, s’y étaient installées. Inutile pour nous de tenter de faire un lavage. Il est trop tard dans l’après-midi, le temps est frais et les averses menacent. Il n’y avait pas suffisamment de couvertures pour tous. Une Autrichienne, voyant que Claire n’avait qu’un sac à viande, lui a donné la sienne. La nuit fut quand même confortable, une petite chaufferette électrique ayant été installée dans le dortoir. Ne prenant pas de chance nous avons tout de même couchés tout habillés.

Nous irons faire notre épicerie au magasin général de l’endroit vers 17 h, la cuisine étant équipée d’une petite plaque chauffante à deux ronds. En nous y rendant, nous sommes heureux de constater que les deux heures de repos que nous avons eues ont suffi pour nous donner l’impression que nous n’avions pas marché de la journée.

Nous comprenons les touristes de faire de Lubian un lieu d’arrêt. C’est le plus beau village que nous avons vu depuis longtemps. Il est constitué de vieilles maisons de pierres qui nous transportent dans une autre époque. Notre dépaysement est toutefois en partie gâché par la vue de l’autoroute surélevée, de pylones électriques et de gigantesques éoliennes. Mais ça sent la Galice. Fini les maisons en adobe, sur le point de s’effondrer.

Coucher : 3 €

Jour 29

15 mai – de Lubian à A Gudina (24 km) et de A Gudina à Laza (automobile) – ciel bleu, froid le matin

Au départ, nous franchissons une montagne par un sentier boueux à bien des endroits, dans le genre de ceux qu’il y a chez-nous, dans le Bras-du-Nord. Par le col A Canda, où nous entrons en Galice, ce sentier nous mènera dans de beaux paysages. Sous le soleil, il fait un peu plus chaud. On se dévêt donc. Puis, il faut remettre le vêtement qu’on a enlevé lorsqu’on atteint le sommet.

Nous arrivons à A Gudina à 13 h. Nous aimerions prendre le transport en commun pour éviter la prochaine étape vu qu’elle est de 34 km, tout en rattrapant le retard sur notre plan de marche, mais nous nous heurtons à une gare déserte. Nous nous rendons au bar en face où nous apprenons qu’il n’y a pas d’autobus pour Laza et que le train, demain, nous laisserait à 10 km de cette ville. Une jeune dame assise au bar y demeure et nous a offert spontanément d’aller nous y conduire, gratuitement, à 17 h.

Nous ferons de petits achats à l’épicerie, puis luncherons à l’auberge de A Gudina, avant de dire au revoir à des gens que nous ne reverrons peut-être plus, si ce n’est à Santiago.

C’est agréable de circuler en auto sur de petits chemins de campagne sans ne rencontrer aucune voiture. Notre samaritaine, qui parle anglais, nous fera faire un petit tour de son village natal avant de nous laisser à la Guardia civil où nous nous inscrirons pour l’auberge. On nous y remettra la clé de notre chambre ainsi que nos couvre-lits et couvre-oreillers. Tout cela pour 3 € chacun. D’ailleurs, toutes les auberges municipales en Galice, autrefois donativo, sont à 3 €. De plus, elles sont belles et bien entretenues, contrairement à ce que nous avions expérimenté sur le chemin Frances, il y a deux ans, alors qu’on se disait que l’humilité du pèlerin prenait du galon en Galice. Nous profiterons de l’accès à internet gratuit qui se trouve tout juste à côté de la Guardia civil.

L’auberge est récente, avec une belle cuisine et salle à manger dont nous nous servirons après avoir fait nos courses. Nous y rencontrerons 2 cavaliers dont nous suivons les traces depuis Zamora, ce qui parfois nous rassurait sur la direction à prendre. Nous savions qu’ils n’étaient pas loin devant nous, Anne les ayant vus à Tabara, la veille de notre arrivée. D’ailleurs, Anne est ici. Elle a repris sa marche après avoir consulté le pharmacien, à Tabara. Nous y retrouvons aussi notre fameux couple de Hollandais. En fin de journée, l’auberge sera complète.

Je coucherai tout habillé pour une seconde journée de suite, les couvertures n’étant pas fournies.

Jour 30

16 mai - De Laza à Vilar de Barrio (20 km) – Nuageux mais doux, fortes averses en après-midi

Cette journée est à marquer d’une pierre blanche.

Nous avons fait le choix de cette courte étape puisque nous avions l’information que l’auberge de Vilar de Barrio était bien, que notre lavage n’a pas été fait depuis que nous sommes dans les montagnes et que nous voulions donner à nos vêtements la chance de sécher, et, enfin, pour permettre à nos jambes de se reposer après une dénivellation de 400 mètres sur une distance de 5 kilomètres.

Il y a apparence de pluie à notre départ. Nous avons donc pris la précaution de mettre immédiatement le couvre-sac sur le sac à dos. Après quelques kilomètres en campagne, nous entreprenons l’ascension de la montagne. Nous sommes seuls. Nous présumons que les autres pèlerins ont choisi de marcher sur la route en croyant que cela prendrait moins de temps pour se rendre à Xunqueira, une étape de 32.5 km, mais nous sommes convaincus qu’ils ont fait le mauvais choix. Le sentier, sur fond rocheux, se pratique bien, à la différence des deux journées précédentes, et la vue est magnifique jusqu’à ce qu’on la perde en pénétrant dans les nuages. Le brouillard épais se change parfois en gouttelettes de pluie. La montagne est tapissée de fleurs mauves et jaunes. À quelques reprises on se croit arrivés au sommet mais voilà qu’il y a une nouvelle montée. On finira par croiser la route asphaltée (OU-110) alors que nous nous y attendions plus, encore bien en forme. Ça vaut un bec!

Nous suivons cette route pour arriver 500 mètres plus loin au petit village de Albergueria, toujours dans cette brume qui le fait ressembler à un décor de film d’horreur. On s’arrête au bar El Rincon del Peregrino, à l’intérieur semblable à une petite cabane de bûcheron, le poêle à bois chauffant dans un coin. Des milliers de coquilles St-Jacques sont suspendues aux murs et au plafond bas. Les chansons de Jacques Brel ajoutent à l’ambiance. Très chaleureux comme endroit. Les clients italiens qui arriveront peu après nous auront droit eux aussi aux chansons de leur pays natal. Avant de partir, le propriétaire nous fait inscrire, à notre tour, nos noms sur une coquille qu'il accrochera sur un pan de mur.

Après une longue descente, nous arrivons à Vilar de Barrio vers 13 h. Nous sommes les premiers arrivés. L’auberge est super : il y a beaucoup d’espace, 2 grands dortoirs, et c’est d’une propreté maniaque (même les ustensiles sont placés de façon étudiée dans le tiroir). Les 2 femmes de ménage s’y trouvent encore, dans la cuisine. L’une d’elles, me voyant pris d’une toux incontrôlable, vient se placer à côté de moi et, tout en me parlant en galicien, lève les bras vers le ciel. Je fais comme elle et ça marche! La toux s’arrête! Ah, ces Galiciennes! L’efficacité de la technique sera quand même à vérifier sur une plus grande échelle.

Nous ne serons que 7 dans cette auberge de 24 lits, ce qui fait tout un changement des journées précédentes. Le vieux couple de Hollandais, qui arrive une heure après nous, un Danois puis nos 2 cavaliers espagnols, peu après. La dame hollandaise a une bonne tendinite. Ils n’ont sans doute pu prendre l’autobus aujourd’hui puisque c’est samedi. Son mari doit même l’aider à descendre l’escalier. Lors de leur enregistrement, je les ai entendus demander s’ils pouvaient rester à cet endroit une seconde journée, ce qui leur a été refusé. On les réfère à l’hôtel à 50 €. Arroseur arrosé!

Le temps est très humide et il y a de fortes averses. Un des cavaliers dégottera 2 petites chaufferettes électriques, ce qui permettra aux vêtements de sécher.

La cuisine n’est pas équipée pour se faire un repas. Après une recherche fastidieuse du restaurant qu’on nous recommandait, la casa Carina, les cavaliers nous amèneront dans une maison privée dont une pièce est convertie en resto, tout juste en face de l’auberge (no 17). Il n’y a aucune publicité extérieure, ce qui explique la raison pour laquelle on ne le trouvait pas. La dame reçoit ainsi les pèlerins depuis 50 ans. Bien qu’arrivés à 8 h, nous ne serons servis qu’à 9 h et c’est sur une vieille nappe en tissu, tachée et déchirée, que nous nous délecterons (10 €). La grande pièce sans apparat a fini par se réchauffer et la compagnie de nos cavaliers sera bien agréable, ma pérégrina ne manquant pas d’entretenir tant bien que mal la conversation en espagnol.

Coucher : 3 € chacun

Jour 31

17 mai – de Vilar de Barrio à Ourense (35 km) – frais, nuageux, quelques averses

Nous partons alors que le vieux couple de Hollandais est encore au lit, pris d’une bonne toux. Nous ne les reverrons plus. C’est en ressentant dans nos jambes la fatigue de la longue descente de la veille que nous entreprenons notre plus longue étape de ce voyage. Le temps frais fait notre affaire; nous ne voulons pas avoir à lutter en plus contre la chaleur.

Les cavaliers et le pèlerin danois sont partis environ une demi-heure avant nous mais, à la sortie de la ville, nous retrouvons le danois qui s’est perdu et qui revient sur ses pas. Nous nous suivrons jusqu’à Xunqueira. Ma théorie sur la tendance à l’agglutinement des pèlerins se vérifie pour la première fois de la journée. Nous avons beau n’être que 5 personnes à marcher sur une distance de 35 km et être partis à des heures différentes, il y a une force sur le camino qui nous jette dans les bras les uns des autres. Comme, lorsqu’après une courte pause, on est presque assuré qu’un pèlerin se pointera au moment même où on remet notre sac à dos.

À Xunqueira, nous avons dégusté un très bon café dans le même bar que lui, dans le centre de la ville (seulement 80 centimes). À la sortie du bar, il a pris une autre direction que nous alors que, aidés de notre guide, nous cherchions les flèches jaunes en direction de Ourense. Nous avons cru à ce moment qu’il avait pris la décision de demeurer à l’auberge de l’endroit étant donné qu’il avait un peu de difficulté à marcher. On s’est dit que c’était quand même curieux qu’il ne nous ait pas dit au revoir. Environ 10 km plus loin, à la sortie d’un village, nous sommes tombés face à face avec nos cavaliers qui débouchaient d’une rue transversale. Eux aussi se sont perdus et voilà qu’on se rejoint à cet endroit précis. Du même coup, nous apercevons notre danois qui arrive derrière nous. Il s’était bien perdu, une nouvelle fois, à la sortie de Xunqueira et un bon samaritain l’a reconduit en voiture ici. La théorie sur l’agglutinement...

C’est dans la belle campagne que nous avons marché jusqu’à Xunqueira, après quoi, plus on se rapprochait d’Ourense, plus on avait l’impression d’être dans une interminable banlieue. Même si cette partie du chemin ne présente pas de difficulté particulière, la traversée de nombreux villages rompant la monotonie, l’entrée dans Ourense, pour se rendre à l’auberge dans l’ancien couvent San Francisco, nous a épuisés. Très grande ville, Ourense. C’est vers 17 h que nous sommes arrivés à l’auberge. Les dortoirs étaient presque pleins. Beaucoup de gens que nous n’avions pas vus auparavant. Probablement qu’ils commençaient leur chemin ici. Tout ce monde était couché (pourtant, de Xunqueira il n’y a que 23 km) et c’est dans la pénombre que nous avons dû nous installer.

Nous avons quand même pris le temps de visiter la cathédrale et de marcher dans la vieille ville. C’est avec Anne, Roberto et d’autres pèlerins que nous avons soupé dans un resto qui leur avait été recommandé. Agréable souper, après que le serveur ait aimablement accepté de baisser le volume de la télévision.

Anne a vu Gudi et Roland ce matin, alors qu’ils ont dû revenir sur leurs pas parce que Gudi avait oublié ses lunettes au couvent. Ils sont maintenant une étape devant nous. Ils lui ont dit que Georges avait couché à la gare la nuit dernière, ayant décidé de se rendre directement à Santiago. Pour lui, le chemin est terminé. Anne ne l’avait pas revu depuis plusieurs jours, alors qu’il avait pris la décision de sauter une étape en autobus, pour connaître d’autres gens lui avait-il fait entendre, fatigué d’être toujours avec le même monde. Ce qui avait vexé Anne, apparemment.

Coucher : 3 €

Jour 32

18 mai – de Ourense à Cea (21 km) – brume le matin, beau par la suite

C’est long la sortie d’une grande ville! Nous avons eu quelques hésitations au début quant aux directions à prendre mais finalement nous ne nous étions pas trompés. C’est utile de marcher avec un pèlerin espagnol qui demande les renseignements pour nous. Sur la rue Santiago, nous avons aperçu nos deux cavaliers, dans le trafic, escortés par des policiers en motocyclette. Malheureusement, la brume ne nous a pas permis d’avoir une vue plongeante sur la ville après cette longue montée, ce qui aurait récompensé l’effort et donné un intérêt à notre journée de marche, le chemin pour se rendre à Cea étant plutôt ordinaire. Tout le long, il y a beaucoup de chiens qui nous jappent après. Heureusement qu’il y a des clôtures autour des propriétés pour nous protéger. Cette peur qu’ils ont des voleurs ici!

Il y a une cuisine bien équipée à l’auberge de Cea. Nous en profiterons pour manger nos spaghettis que je transporte depuis les 80 derniers km. Ça nous changera des filete de ternera qu’on a mangé au resto ces deux derniers jours. Plus jamais, pour quelques centimes, je ne transporterai un tel poids dans mon sac à dos. Je comprends pourquoi on trouve souvent des sacs de nouilles dans les cuisines des auberges.

Cea est réputée pour son pain. Lorsque nous sommes arrivés à la boulangerie, celle-ci était fermée. L’homme qui travaillait tout près à préparer un mélange de produits chimiques pour arroser ses arbres, et à qui nous nous sommes adressés pour connaître l’heure d’ouverture, en était le propriétaire. Il nous a ouvert la boutique et nous a laissé choisir nous-mêmes notre pain n’osant lui-même y toucher, ce qui va de soi.

Coucher : 3 € (couverture et oreiller compris)

Jour 33

19 mai – de Cea à A Laxe (30 km) – Beau, froid au début mais réchauffement par la suite

Dans notre plan de marche, nous avions prévu nous rendre à Castro Dozon aujourd’hui mais nous avons appris qu’en empruntant le chemin primitif qui débute à Cea nous éviterions ce détour et pourrions nous rendre à A Laze, endroit où il y a une belle auberge. Nous avons donc choisi cette option, ce qui nous permettra d’arriver une journée plus tôt à Santiago.

De Ourense à Santiago il y a plus de trafic sur la N-525, ce qui peut s'expliquer par la courte distance d’environ 100 km séparant ces deux grandes villes, ainsi que par le fait que les habitations sont plus dispersées.

Nous étions seuls sur ce chemin et avons dû consulter le GPS à quelques reprises pour nous assurer de la direction, le fléchage n’ayant pas été rafraîchi depuis un certain temps. Belle journée de marche même si, après quelques montées, nous sommes arrivés fatigués à l’auberge, vers 15 h 30.

Les locaux de cette grande auberge servent aussi pour les activités sociales des résidents. Belle cuisine, mais sans équipement. Nos deux cavaliers ont été refusés par l’hospitalière, non pas à cause de leurs chevaux qui broutaient paisiblement dans le champ à côté de l’auberge, mais parce qu’il n’y avait plus de lit disponible et qu’elle ne voulait pas qu’ils couchent sur leur matelas de sol. Pourtant, peu après, elle a accepté 4 personnes avec leurs matelas de sol. Allez comprendre...

Nous nous sommes rendus au resto Antonio, guidés par un pèlerin espagnol que nous côtoyons depuis le début de notre camino, celui qui ne fait pas d’arrêt avant d’être rendu à destination, mangeant même en marchant. Bon repas pour 8.5 €.

Coucher : 3 €

Jour 34

20 mai – De A Laze à Outeiro (34 km) – superbe journée

Journée de marche agréable, dans de beaux paysages vallonnés, mais un peu chaud en après-midi, surtout que les 4 derniers km sont en montée. Sommes arrivés à l’albergue à 15 h 15, en sueur. Et chanceux : il reste 2 lits dans le bas des lits à 2 étages. Peu après c’est complet et ceux qui arrivent doivent coucher sur leur matelas de sol. Malgré qu’il y ait une cuisine à l’albergue, il n’y a pas d’épicerie dans ce village. Dire qu’il y avait un gros « Dia » au pied de la dernière montée. Mais pas question d’y retourner.

Le resto, qui est à 1 km, était fermé parce que c’était un mercredi et qu’ici leur jour de congé est le mercredi, comme par hasard! Des pèlerins ont fait pression auprès du propriétaire qui a conscrit ses employés. Il y avait peu de choix pour le menu mais nous avons bien aimé le repas (12 €), pris en groupe et servi sur des tables raboutées.

Au lever de ma sieste, j’ai été révulsé à la vue d’une chose dégoûtante, sur le plancher : un ongle d’orteil, entier. Soudain, je lui ai reconnu un air familier, une ressemblance. C’est un peu gêné que je suis allé porter dans la poubelle l’ongle de mon gros orteil droit. Voilà un petit problème qui a pris naissance le second jour de notre marche et dont la conclusion a eu lieu l’avant-dernier jour. Certains apôtres du camino y verraient un signe... Taquin, ce St-Jacques!

Coucher : 3 €

Jour 35
21 mai - De Outeiro à Santiago de Compostella (17 km) – Belle journée, nuageuse en avant-midi

Depuis hier, je suis enrhumé et j’ai mal à la gorge, ce qui accroît la fatigue de la marche, d’autant plus qu’il y a beaucoup de montées et de descentes sur cette partie du chemin. Après avoir décidé de suivre une flèche jaune qui contredisait une borne jacquaire, on a perdu le fléchage dans une forêt d’eucalyptus. En suivant le sentier sur lequel on se trouvait, on a fini par rejoindre la N-525. De là, le GPS nous a guidés dans la bonne direction et c’est en s’arrêtant dans un bar le long de cette route pour prendre un café qu’on a retrouvé d’autres pèlerins.

D’autres ont également trouvé la fin de trajet difficile, peut-être parce qu’ils ressentaient que c’était la fin du périple, justement.

Nous arrivons au séminaire vers 11 h 20 mais celui-ci n’ouvre qu’à 13 h 30. Nous acceptons l’offre du préposé d’y laisser notre sac à dos et de faire notre réservation immédiatement. C’est allégés que nous nous sommes rendus à la cathédrale pour la messe de midi. Pleine à craquer, tout comme il y a deux ans lorsque nous avions fait le chemin Frances, mais cette fois-ci nous devons rester debout.

C’est en compagnie de Roland, Gudi, Anne, Roberto, Joanna ainsi que d’autres pèlerins dont nous connaissons les visages mais pas les noms que nous irons souper à la Plaza Cervantes (caza Manolo. À recommander). Belle soirée, agréable et douce. Nous sommes chanceux puisqu’il pleut souvent ici.

Nous irons déjeuner le lendemain (autre belle journée) avec Roland et Gudi au Parador (l’hôtel des rois catholiques), à côté de la cathédrale. Les 10 premiers pèlerins arrivés ont droit au petit déjeuner gratuit. Idem pour le dîner et le souper. C’est une vieille tradition. Un employé de l’hôtel vient nous chercher à l’entrée du stationnement, vérifie notre compostela (parfois, semble-t-il, il en demande une photocopie), puis nous demande de le suivre. Nous traversons le hall de l’hôtel, puis des cours intérieures. C’est dans la cuisine même que nous est servi sur un cabaret un excellent repas, vin compris, que l’on déguste dans à un petit local à un étage inférieur.

Le Seminario est un peu loin du centre, surtout qu’il faut monter et descendre, comme partout où on se rend dans cette ville, mais c’est quand même mieux situé que le Monte Do Gozo. La bâtisse est belle de l’extérieur mais drôlement aménagée. Longs escaliers, à la suite desquels il faut traverser deux dortoirs pour se rendre au nôtre. Ce doit être exaspérant pour ceux qui doivent supporter ce flot de personnes qui passent au pied de leur lit et qui entendent le continuel bruit de portes qui ouvrent et ferment. Par chance, nous avions un petit dortoir pour 6, à la dernière extrémité.

L’eau des douches est bouillante, sans réglage possible - pas de savon aux lavabos, ni rien pour s’essuyer les mains - qu’un seul micro-onde dans l’immense cuisine, sans ustensiles ou autres accessoires. Enfin, nous sommes repartis avec des piqûres d’insectes. On cherchera un autre endroit la prochaine fois.

Coucher : 10 €

« Yeah! Nous sommes rendus. On a réussi. Courbaturés, fatigués et sales mais l’objectif est atteint. Nous sommes bons. Ça vaut un bec!

Nous ne nous sommes pas perdus, même si le fléchage était parfois plutôt déficient, grâce au GPS qui permettait de valider notre direction. La plupart des autres pèlerins se sont perdus une ou plusieurs fois sur cette distance de 1 000 kilomètres. Ça vaut un bec!

Sommes allés à la cathédrale pour assister à la messe au cours de laquelle, à l’aide de longs câbles accrochés à des poulies, les moines font valser l’immense encensoir (le Botafumeiro) d’un bout à l’autre de la nef.

C’est accomplis et absous que nous prendrons l’avion pour Madrid.

Nous sommes contents de notre camino : nous avons toujours réussi à avoir un lit, presque tous les pèlerins étaient des personnes agréables, même s’il était parfois difficile de communiquer avec plusieurs d’entre eux, les Espagnols sont gentils, nous n’avons pas eu de blessures ou de bris d’équipement et le temps a presque toujours été parfait pour la marche. La vie est belle. Ça vaut un bec!

XXX


Jean & Claire 

Voir aussi notre récit de voyage sur le del Norte - Primitivo en 2013: http://del-norte-primitivo-juin2013.blogspot.com/2013/12/compilation-des-courriels-recit-de.html

Membres

Qui êtes-vous ?